Le projet de loi sur la République numérique a été adopté la semaine dernière par les sénateurs. Un chiffre retiendra notre attention : le nombre d’amendements votés contre l’avis du gouvernement.
Ainsi, 13 amendements du gouvernement ont été rejetés au fil des débats en séance. C’est certes très faible au regard des 675 amendements déposés à cette occasion, mais d’un autre côté, cela représente tout de même 37 % du nombre total d'amendements issus de l’exécutif. Cette situation s’explique aisément : au Sénat, le PS n’est pas en majorité. Il doit donc suer et batailler pour convaincre une majorité par définition non favorable.
Toujours selon nos décomptes, le gouvernement s’est vainement opposé à un tiers des 155 amendements qui ont passé le cap du Sénat. Ces 52 avis défavorables ou demandes de retrait restés sans effet sont à comparer aux 35 amendements issus de la Commission saisie au fond et ayant subi le même sort. Ce seul chiffre n’est pas évocateur puisque les amendements inscrits dans la « petite loi » intègrent aussi douze rustines rédactionnelles et de coordination, par définition très mineures et pour lesquelles l’avis du gouvernement a été favorable.
Menace sur plusieurs dispositions fortes passées contre l'avis du gouvernement
En soulevant le couvercle, on constate surtout l'adoption de gros missiles balistiques passés au travers de la ligne Maginot gouvernementale. On pense notamment à cet amendement qui interdit le transfert des données personnelles hors de l’Europe, celui obligeant les plateformes telle eBay à déclarer automatiquement le revenu d’activité de leurs utilisateurs ou encore celui contraignant ces mêmes acteurs à un devoir de vigilance proactif contre la contrefaçon. Sur l'Open Data également, les sénateurs ont tenu tête à l'exécutif, en dépit de ses avertissements (comme sur la mise en ligne des décisions de justice).
Des dispositions qui risquent en outre de faire grincer quelques mâchoires bruxelloises compte tenu des contrariétés larvées ou directes au droit européen.
La balle dans le camp de la CMP
Nous reviendrons plus en détail sur son contenu une fois passé l’examen en Commission mixte paritaire, programmé le 13 ou 20 juin prochain.
Cette « CMP », composée d’autant de députés que de sénateurs, a pour mission de trouver une version de compromis entre le texte voté à l’Assemblée et celui du Sénat. Compte tenu du nombre de dispositions importantes passées contre l’avis du gouvernement, on peut sans risque anticiper plusieurs modifications profondes des dispositions restant en discussion. Rappelons enfin que si le désaccord persiste, le gouvernement aura la possibilité de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale, un bassin où il pourra à nouveau compter sur la majorité socialiste.