La prorogation de l’état d’urgence se fera sans perquisitions informatiques

Péril en la demeure
Droit 5 min
La prorogation de l’état d’urgence se fera sans perquisitions informatiques
Crédits : Ministère de l'Intérieur

Sans surprise, le gouvernement a déposé son projet de loi prorogeant une troisième fois l’état d’urgence. En procédure accélérée, le texte, déjà validé en Commission des lois au Sénat, attend son passage en séance avant son examen à l’Assemblée nationale.

Si le projet de loi est voté, alors cet état exceptionnel déclaré après les attentats du 13 novembre sera étendu de deux nouveaux mois, soit jusqu’au 26 juillet 2016.

Des chiffres et des mètres

Pour inciter les parlementaires à accepter de rempiler, le gouvernement se doit de sortir d’un étau : mois après mois, les chiffres de l’état d’urgence tendent vers l’encéphalogramme plat.

Déjà, en février 2016, la Place Beauvau avait esquivé la difficulté. « L'efficacité des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence, expliquait le ministère qui assénait les parlementaires d'une pluie de chiffres, ne saurait toutefois se résumer à un bilan chiffré ni aux seules suites judiciaires qui y sont réservées, en ce que le recours à ces mesures pose les bases d'une lutte plus efficace contre le terrorisme et la radicalité ».

En mai 2016, même logiciel : « L'efficacité des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence va au-delà [du] bilan chiffré et des suites judiciaires qui y sont réservées », écrit-il, toujours en introduction du projet de loi.

Moins nombreux, plus dangereux

Dans le projet de loi, Bernard Cazeneuve insiste à destination des grincheux qui ne comprendraient pas encore cette nécessité : Certes, selon les derniers compteurs, « 122 perquisitions administratives ont eu lieu, soit nettement moins qu'au cours de la première période (3 427). En revanche, en dépit de leur nombre bien inférieur, ces dernières ont concerné des individus plus dangereux et ont, proportionnellement, permis de révéler plus de cas de menace grave pour l'ordre et la sécurité publics : ainsi, 155 armes ont été saisies depuis le 26 février, contre 588 entre le 14 novembre 2015 et le 25 février 2016, attestant que les perquisitions ont ciblé des personnes particulièrement dangereuses ».

Des moyens de dissimulation des communications

En clair, c'est vrai, le chalutage s’essouffle, mais croix bois, croix de fer, les poissons dans les filets sont des requins de plus en plus gros, aux dents de plus en plus longues. D'ailleurs, « le maintien de l'état d'urgence a permis de déployer une stratégie accélérée de détection et de déstabilisation des filières djihadistes qui opèrent dans notre pays ou qui acheminent des combattants vers les zones de conflit. Les prérogatives que la loi du 3 avril 1955 confère à l'autorité administrative sont utilisées dans cette perspective, sous le contrôle étroit du Parlement. »

Pour l’exécutif, donc « la menace terroriste caractérisant le péril imminent qui a justifié la déclaration initiale et les prorogations de l'état d'urgence demeure à un niveau très alarmant ainsi que le démontre l'actualité nationale et internationale ». Et à destination de ceux qui douteraient encore un petit peu, il cite évidemment les attentats du 22 mars en Belgique, outre le fait que « la détection des individus susceptibles de passer à l'action terroriste s'est complexifiée, soit qu'elle émane d'un individu isolé soit qu'elle émane de groupes utilisant tous les moyens de dissimulation de leurs communications et de leur identité et qui se fondent dans le flot des migrants ».

Persistance du péril imminent

Bref, « ces éléments attestent de la persistance d'un péril imminent », d’autant que la France va organiser deux évènements archi populaires, l’Euro 2016 du 10 juin au 10 juillet 2016, puis le Tour de France du 3 au 24 juillet, deux cibles stratégiques.

Dans sa course, il demande ainsi une prorogation de l’ensemble du territoire, y compris outre-mer. Pour cette dernière zone, les évènements sportifs, « bien que ne se déroulant pas outre-mer, sont susceptibles de susciter des rassemblements importants de population, rendant ainsi propice la perpétration d'attentats ».

L’analyse a été partagée par le Conseil d’État pour qui, aussi, « la conjonction d’une menace terroriste persistante d’intensité élevée et de ces deux très grands événements sportifs caractérise un « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ».

Une prorogation sans perquisitions informatiques

Fait notable, le gouvernement a décidé d’abandonner les perquisitions administratives : « ainsi que l'autorise la loi du 3 avril 1955, le Gouvernement a décidé de ne pas rendre applicable à cette période de prolongation de l'état d'urgence l'article 11 de cette loi permettant de mettre en oeuvre des perquisitions administratives dans des lieux dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'ils sont fréquentés par des personnes constituant une menace pour l'ordre et la sécurité publics ».

Selon le ministère, ces perquisitions ne servent plus à grand-chose, dans la mesure où « la plupart des lieux identifiés ayant déjà fait l'objet des investigations nécessaires ». Comme si le péril imminent n'existe que dans les lieux déjà visités... Cet abandon emportera en tout cas avec lui les perquisitions dites informatiques, celles qui permettaient aux forces de l’ordre de scruter les PC, tablettes et autres téléphones mobiles trouvés sur les lieux visités.

Le texte déjà validé en commission des lois consacre d’ailleurs cette promesse faite en sortie de Conseil des ministres, mercredi. L’article 11 de la loi de 1955 sur l’état d’urgence impose en effet que les perquisitions soient prévues « par une disposition expresse ». C’est ce qui s’était passé pas plus tard que le 26 février dernier, lors de la deuxième prorogation. Or, cette mention expresse ne figure plus dans l’actuel projet de loi.

On rappellera au passage que le Conseil constitutionnel a jugé anticonstitutionnelle la copie des données réalisées lors des perquisitions, faute d'encadrement suffisant. Dans le tout dernier texte, le gouvernement n’a pas souhaité corriger ce trou laissé béant par la décision d’annulation...

La fin de l’état d’urgence, prévue pour le 26 juillet se fera dans une certaine douceur, si on peut dire. Les textes d’application de la loi du 22 mars 2016 contre les actes terroristes dans les transports collectifs auront eu le temps d’être publiés au Journal officiel. De même, les parlementaires auront fini d’examiner le projet de loi sur la réforme pénale, qui augmente de nombreux crans, les pouvoirs des autorités notamment par le levier des nouvelles technologies.

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