Dans le Doubs et le Limousin, les réseaux d'initiative publique ont saisi l'ARCEP pour cadrer la publicité d'Orange sur la montée en débit. En cause, des tracts aux habitants et des logos sur les armoires, qui nieraient l'investissement des collectivités dans ces opérations.
Orange vante sa montée en débit, au grand dam de certaines collectivités. Ces derniers mois, deux réseaux d'initiative publique ont saisi l'ARCEP à propos de la publicité de l'opérateur historique en campagne.
D'un côté, le syndicat mixte Dorsal (Limousin) a demandé à Orange de retirer son logo des armoires qu'il pose dans les rues. Ce pour quoi il a obtenu gain de cause après discussion avec l'autorité des télécoms. De l'autre, DoubsTHD a saisi l'ARCEP sur la publicité de l'opérateur historique auprès des habitants, qui ne mentionne pas les investissements des collectivités, qui se chiffrent en centaines de milliers d'euros.
« Ce n'est pas un cas isolé. Nous avons régulièrement des remontées de ce genre » nous affirme d'ailleurs Patrick Vuitton, directeur général de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (AVICCA). Si l'association n'a eu vent que de ces deux saisines, le problème se poserait bien dans d'autres départements.
Des armoires rendues neutres après saisine de l'ARCEP
Des deux saisines sur le sujet, celle qui a porté ses fruits vient donc du syndicat mixte Dorsal, qui gère le réseau public du Limousin. Celui-ci a commandé 65 armoires à l'opérateur, pour une mise en service au second semestre. « Lorsque Orange nous a fourni des photos d'armoires PRM [fin 2015] pour l'intégration paysagère auprès des mairies concernées, nous avons vu que ces armoires étaient logotées "Orange" » nous explique Yan Pamboutzoglou, le directeur de Dorsal.
Le syndicat a donc contacté Orange pour leur demander de remplacer leur logo par celui de Dorsal, qui finance l'opération. Réponse de l'opérateur : la présence du logo serait une demande de l'ARCEP, qu'il ne serait donc pas question de supprimer.
Selon un échange que nous avons pu consulter, l'opérateur a finalement accepté de supprimer son logo des armoires début octobre, après quelques semaines de discussion. C'est ce que nous confirme l'opérateur, qui appose désormais le code du NRA-MED sur les portes de l'armoire. « Nous avons demandé à Orange de supprimer son logo. [L'opérateur] a pris l'engagement de le faire » nous déclare par ailleurs l'ARCEP.
Dans un premier temps, l'opérateur a souhaité conserver son logo sur une partie des installations, avant de se raviser après de nouveaux échanges. Une autre région, la Bretagne, souhaiterait également voir le logo de son réseau (Megalis Bretagne) apposé à la place de celui du groupe, nous indique l'AVICCA.
Des publicités aux habitants sans mention de l'investissement
Il aura fallu une intervention du régulateur pour régler la question. C'est pour cela que le Doubs a saisi l'autorité, à la mi-avril, pour un sujet tout autre. Dans les boites aux lettres des habitants de communes couvertes par la montée en débit, Orange distribue ainsi des publicités explicites. « Orange renforce son réseau à
Les clients reçoivent également des emails ciblés, indiquant que la couverture TV par Internet est étendue, affirme aussi DoubsTHD. « Nos équipes sont à votre disposition pour activer le service et vous conseiller sur les avantages de la TV d’Orange » indique ainsi l'un d'eux, que nous avons pu nous procurer. À aucun moment, un éventuel investissement public n'est mentionné.
De quoi agacer le syndicat mixte, qui finance une trentaine d'opérations de montée en débit sur 8 000 lignes, pour un coût total d'environ 5 millions d'euros. Orange a déjà distribué ses tracts sur cinq de ces opérations, sur lesquelles le département a investi 650 000 euros. DoubsTHD nous indique avoir discuté en février avec Orange avant le lancement de la montée en débit. L'opérateur a répondu ne pas avoir encore défini la forme d'une communication, sans donner de nouvelles par la suite, affirme le syndicat mixte.
Ce comportement « chagrine quelque peu les collectivités », estime Patrick Vuitton de l'AVICCA. D'autant que ce n'est pas le premier démêlé du Doubs avec Orange. Le réseau public avait ainsi dénoncé publiquement un « dénigrement » des futurs déploiements FTTH par le département de la part d'Orange (voir notre enquête).
Si l'ARCEP nous confirme avoir été saisie, DoubsTHD n'a pas encore reçu de réponse du régulateur. Interrogé, l'opérateur n'a pas pu nous fournir de réponse précise à ce sujet, sinon qu'il agit en tant que fournisseur d'accès.
Une part intégrante du plan France THD
La question est moins triviale qu'il peut y paraître. La montée en débit d'Orange est une solution encouragée par le plan France THD, piloté par Bercy, qui vise à couvrir l'ensemble de la population en très haut débit d'ici 2022, dont 80 % en fibre. Cette amélioration du réseau cuivre, en le passant de l'ADSL au VDSL2, doit ainsi rapprocher la fibre des habitants, tout en améliorant assez les débits pour patienter jusqu'à l'arrivée de la fibre jusqu'à l'abonné (FTTH) quelques années plus tard.
En juin 2015, 800 000 lignes devaient ainsi être couvertes en montée en débit (voir notre analyse), avant tout en zones rurales, où Orange est par endroits le seul à disposer d'un réseau. L'offre de montée en débit d'Orange (offre PRM) est régulée par l'ARCEP, l'opérateur historique ne pouvant (en principe) la proposer qu'en réponse à une demande de collectivité. Cela même si, dans les faits, l'entreprise la pousse auprès de certaines d'entre elles.
Cette amélioration du réseau est donc financée par les collectivités elles-mêmes, avec un coût qui peut rapidement grimper. Par exemple, les 28 000 prises de montée en débit dans le Limousin ont un coût estimé de 4,9 millions d'euros (PDF) pour la prestation PRM, sur un coût total de 25 millions d'euros pour la réalisation de la montée en débit. Un investissement important que la communication d'Orange auprès des habitants ne reflète pas assez, selon ces collectivités.