En fin de semaine dernière, les sénateurs ont adopté un amendement de Richard Yung destiné à accentuer la lutte contre la contrefaçon chez les intermédiaires techniques.
Déjà examiné dans nos colonnes, cet amendement veut qu’à compter de l’année prochaine, les opérateurs de plateformes en ligne soient astreints à agir « avec diligence en prenant toutes les mesures raisonnables, adéquates et proactives » afin de protéger les consommateurs et les titulaires de droits de propriété intellectuelle. Leurs actions devront prévenir en particulier « la promotion, la commercialisation et la diffusion de contenus et de produits contrefaisants ».
En séance, le sénateur Yung, qui est aussi président du Conseil national d’action contre la contrefaçon et directeur des affaires internationales de l'Office européen des brevets, a dressé un état des lieux peu satisfaisant à ses yeux. « Le droit actuel n'est pas satisfaisant à cet égard, je l'ai dit, car il appartient aux titulaires des droits, ceux qui possèdent les marques ou les brevets, ou aux consommateurs de rester vigilants pour détecter les contenus illicites et les signaler, en vue de leur suppression. Il s'agit tout de même d'une lourde responsabilité : on achète un produit sur Internet, puis l'on découvre que c'est un faux ou un produit piraté. Et en pratique, on n'a aucun recours ».
Les plateformes doivent essayer de détecter les contrefaçons
Face à un tel devoir de vigilance en gestation, Christophe-André Frassa a répondu qu’il ne revient pas à la loi de « rappeler les entreprises au respect de la législation, mais bien plutôt à prévoir les mécanismes pratiques qui permettront d'assurer le respect de la légalité. Or cet amendement est davantage une déclaration d'intention qu'une disposition concrète ». Même position chez Axelle Lemaire : « vous vous contentez de rappeler une obligation existante, puisque les plateformes doivent retirer les contenus lorsqu'elles ont connaissance de leur caractère illicite, et cela s'applique aussi au droit de la propriété intellectuelle ».
Le sénateur Philippe Dallier a épinglé quant à lui, l’incapacité des douanes à contrôler le flux de paquets qui transite dans les aéroports. « Leurs moyens sont dérisoires en comparaison des quantités de paquets qui circulent ». Rejoignant les positions de Richard Yung, il a estimé nécessaire de « travailler sur tous les aspects, y compris imposer aux plateformes d'essayer de détecter les contrefaçons ».
Un risque de contradiction avec la directive e-commerce
Dans un hémicycle où le PS est en minorité, l’amendement a été adopté. Comme pour les autres, il devra être voté dans le même sens par les députés. Pas sûr cependant que celui-ci survive, puisque cette disposition ne fait soit que rappeler le droit existant, comme le pense la secrétaire d’État au numérique, soit elle va au-delà, mais elle risque d’aller en contradiction avec la directive sur le Commerce électronique.
Le texte de 2000 interdit en effet de faire naitre une obligation de surveillance active sur les épaules des hébergeurs : « les États membres ne doivent pas imposer aux prestataires (…) une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites. »
Revue de presse du devoir de vigilance
En évoquant le devoir de vigilance, signalons que le blog du sénateur Richard Yung édite une section « Revue de presse » où celui-ci reprend des articles entiers, dont un de Next INpact. Normalement, la revue de presse « suppose nécessairement la présentation conjointe et par voie comparative de divers commentaires émanant de journalistes différents et concernant un même thème ou un même évènement » (Cour de cassation, 1978). Elle doit respecter d'autres conditions fixées par la jurisprudence, ou le Code de la propriété intellectuelle, dont le nom de l'auteur et la source.
Ici, « Next INpact » n’y est pas mentionné. On peut au contraire lire « écrit par Richard Yung » en sus du nom de l’auteur réel renvoyé en fin d’article, sans précision. Son collaborateur parlementaire a rapidement corrigé « cet oubli » signalé sur Twitter, pour y mentionner dorénavant l’organe source, mais toujours sans aucun lien.
Crédits : Richard Yung