Confirmant la position de la commission des lois, les sénateurs ont rejeté hier deux amendements ordonnant au gouvernement de préparer un rapport sur les consultations en ligne de citoyens, préalablement à la discussion des textes de loi au Parlement.
Cette demande de rapport avait été introduite en janvier dernier par les députés, qui étaient vivement revenus sur l’opération menée en amont du projet de loi Numérique. Pendant trois semaines, les participants (particuliers, entreprises, associations, institutions publiques...) furent pour mémoire invités se dire « d’accord » ou « pas d’accord » avec chacun des articles contenus dans l’avant-projet de loi Lemaire. Il leur était également possible de proposer des amendements, voire l’introduction de nouvelles mesures. À la fin de la consultation, Bercy avait répondu à la plupart des internautes, expliquant pourquoi telle suggestion avait été retenue ou, au contraire, écartée.
Les socialistes ont tenté un compromis
Hier après-midi, les sénateurs communistes et socialistes ont tenté de réintroduire cette mesure supprimée il y a trois semaines en commission des lois. Les premiers avaient déposé un amendement en vertu duquel l’exécutif aurait du présenter sous trois mois un rapport portant « sur la nécessité de créer une consultation publique en ligne pour tout projet de loi avant son inscription à l’ordre du jour du Parlement ». Seule différence avec le texte adopté par l’Assemblée nationale : les propositions de loi, rédigées donc par des sénateurs ou députés, sortaient du giron de ces dispositions.
Les seconds, ayant bien relevé que le rapporteur Frassa s’était emporté en commission contre la tournure de cette demande de rapport, avaient tenté de trouver un compromis. « Avant de proclamer la « nécessité » de créer une consultation publique en ligne pour tout texte inscrit à l’ordre du jour du Parlement à la suite de l’expérience a priori heureuse du présent projet de loi, il serait souhaitable de tirer un véritable bilan de cette expérience » estimait ainsi Christophe-André Frassa (LR).
L’amendement socialiste prenait donc davantage de pincettes : le rapport devait porter « sur les modalités de création d’une consultation publique en ligne pour tout projet de loi ou proposition de loi avant son inscription à l’ordre du jour d’une assemblée en première lecture, sans que cette faculté constitue une condition de recevabilité des initiatives législatives ». L’orientation se voulait moins claire, l’exécutif étant grosso modo invité à présenter des pistes quant à une éventuelle généralisation des consultations en ligne.
« Aidez le gouvernement à s'aider lui-même » lâche Axelle Lemaire
En dépit de l’avis favorable d’Axelle Lemaire, le rapporteur Frassa n’a rien voulu concéder. « C'est un fait, cette maison n'aime pas les rapports. J'y suis plutôt défavorable moi-même par pragmatisme, car les chances qu'ils soient effectivement remis sont faibles » a souligné l’élu pour s’opposer à ces deux amendements.
La secrétaire d’État au Numérique a pourtant été des plus explicites lorsqu’elle a demandé aux sénateurs d’aider « le gouvernement à s'aider lui-même ». Axelle Lemaire a expliqué que la mission Etalab aurait par exemple pu se charger de préparer ce rapport, afin de « nourrir » la réflexion.
Invitée à faire le bilan de la consultation menée l’année dernière, la locataire de Bercy a manifestement joué cartes sur table : « Nous disposons de statistiques, mais pas d'une analyse qualitative de la concertation qui a eu lieu sur ce projet de loi. Il faudrait pouvoir raconter la bataille institutionnelle qu'a occasionnée la démarche – faut-il par exemple soumettre à l'arbitrage d'une seconde réunion interministérielle les modifications apportées par la consultation ? Quand faut-il demander l'avis du Conseil d'État, et sur quelle version ? »

Les sénateurs ont finalement suivi l’avis du rapporteur Frassa en rejetant ces deux amendements.
Assez curieusement, les élus du Palais du Luxembourg n’ont pas évoqué la proposition de loi organique déposée la semaine dernière par le député Patrice Martin-Lalande (LR), visant justement à rendre systématiques les consultations en ligne des citoyens sur les textes de loi. Le parlementaire estime qu’au vu des prochaines échéances électorales, il est désormais trop tard pour attendre un hypothétique rapport. Il serait selon lui préférable de légiférer dès à présent afin de permettre la mise en œuvre de dispositifs fonctionnels dès 2017 (voir notre interview).