En Europe, Google doit faire face à plusieurs fronts. Il y a bien entendu la bruyante procédure initiée par la Commission européenne à l’égard d’Android, contestée par la firme américaine, mais l’étau se resserre également en France à l’occasion du projet de loi d’Axelle Lemaire.
Rappelons que l’article 22 de ce projet de loi veut déjà injecter une bonne dose de transparence sous le capot des moteurs. Il oblige en effet ces acteurs à faire « apparaître clairement, grâce à une signalisation explicite » les liens contractuels existants entre le moteur et une personne tierce, dès lors que ces liens « influencent le classement ou le référencement des contenus, des biens ou des services proposés. »
Une signalétique explicite des liens contractuels jugée insuffisante
Cette obligation, qui impactera en premier lieu les moteurs français et, dans l’espoir des parlementaires, également les acteurs étrangers, est cependant jugée insuffisante au Sénat. « Même si les liens commerciaux et capitalistiques sont signalés, le rang réservé aux filiales dans le classement et l’affichage préférentiel éloignent et dévalorisent de facto les autres offres dans la liste d’offres présentée aux consommateurs » désaprouve par exemple François Commeinhes (LR).
De son côté, la sénatrice Catherine Morin-Desailly (UDI-UC), qui avait déjà tenté une première salve anti-Google à l’occasion de la loi Macron, a déposé un autre amendement.
Il commence par arborer une définition juridique du moteur de recherche : les opérateurs « ayant pour finalité d’apporter des réponses à des requêtes de toutes natures, en puisant dans l’universalité des contenus disponibles sur Internet, sous forme de texte, d’image et de vidéo, selon un ordre de préférence au moyen d’algorithmes informatiques, constituent des moteurs de recherche généralistes et horizontaux de l’internet. »
Condamner les mises en avant des services d'un moteur dans ses résultats
Mais le plus intéressant arrive. Dès lors que ces intermédiaires favoriseront leurs « propres services ou ceux de toute autre entité ayant un lien juridique avec eux, dans leurs pages de résultats de recherche générale, en les positionnant et en les mettant en évidence indépendamment de leur niveau de performance », alors il y aura démonstration automatique d’une pratique anticoncurrentielle prohibée par les articles L.420-1 et L.420-2 du Code de commerce. Avec sanction à la clef. D’ailleurs, la sénatrice entend confier à l’Autorité de la concurrence le soin de prendre toute mesure adéquate pour les faire cesser.
Selon elle, « il est impératif, au regard des délais constatés dans le cadre de la procédure en cours devant la Commission européenne, que le législateur prévoie que des mesures efficaces puissent être mises en œuvre pour porter assistance aux entreprises souvent nationales, qui sont menacées d’être évincées de leur marché du fait de ces pratiques. »
Ces dispositions seront discutées la semaine prochaine en séance. Pour être entérinées, elles devront être votées dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et surtout, passer le cap du Conseil constitutionnel qui devra jauger si le critère de la liberté d’entreprendre ne souffre pas là d’une atteinte un peu trop disproportionnée.