Initié à la surprise générale l’automne dernier par le gouvernement, le rapprochement entre la CNIL et la CADA n’est pas du goût de tout le monde. Un sénateur PS vient ainsi de déposer plusieurs amendements pour supprimer les dispositions intégrées en ce sens dans le projet de loi Numérique.
Aux yeux de Jean-Yves Leconte, les deux autorités administratives indépendantes « n’ont pas à dépendre l’une de l’autre, sauf à considérer qu’il conviendrait de fusionner leurs missions et compétences en créant une nouvelle entité les regroupant ». Ce n’est pourtant pas la piste choisie par le secrétariat d’État au Numérique.
En l’état, le projet de loi porté par Axelle Lemaire prévoit en effet que le président de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) siège au sein de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), et vice-versa. Les deux institutions pourront également se réunir « dans un collège unique », dès lors qu’un « sujet d’intérêt commun » le justifiera. De fait, on reste très loin d’une fusion entre la gardienne des données personnelles et le « juge de paix » entre administrations et citoyens désireux d’obtenir un document public de type rapport, délibération, ou code source de logiciel.
Risque de contradiction avec les propositions de loi sur les AAI
Le sénateur socialiste fait surtout remarquer que ces dispositions sont (pour partie) contraires aux propositions de lois relatives aux autorités administratives indépendantes, actuellement en débat à l’Assemblée nationale. Celles-ci indiquent que « nul ne peut être membre de plusieurs autorités administratives indépendantes ». Si les deux véhicules législatifs étaient maintenus en l’état, on imagine sans mal le casse-tête juridique...
Jean-Yves Leconte n’y est donc pas allé par quatre chemin, puisqu’il a déposé quatre amendements de suppression – un pour chacun des articles instaurant le rapprochement entre la CNIL et la CADA (voir ici, là, là et là).
Vers un enterrement de la mission promise par Bercy
Le gouvernement ne semble quoi qu’il en soit pas prêt de lâcher du lest sur ce dossier. Alors que différentes voix s’étaient élevées en novembre dernier contre une probable fusion entre les deux autorités administratives (sujet introduit à la hussarde alors que l’avant-projet de loi soumis à consultation publique n’abordait pas ce sujet), Bercy avait voulu calmer le jeu en annonçant le lancement d’une mission.
Mission qui n’a toujours pas vu le jour, comme nous l’a confirmé il y a peu Axelle Lemaire : « Ma conviction aujourd’hui, c’est qu’il faut mettre en place ce qui est dans [le projet de loi] et en tirer le bilan d’ici deux ans, au moment où le règlement sur les données personnelles entrera en vigueur, pour aller plus loin. » La secrétaire d’État au Numérique affirme que « l'objectif poursuivi n'est pas celui d'une confrontation ou d'un avalement d'une institution par une autre, c'est d'essayer de maintenir une cohérence dans la politique de la donnée en France. Le choix qui est fait, c'est celui d'un rapprochement progressif, même dans les locaux – puisqu'a priori il y aura un déménagement immobilier qui permettra aux équipes d'être adjacentes – et surtout dans les structures de gouvernance pour qu'il puisse y avoir des présidences et des décisions conjointes ».