Le sénateur Philippe Kaltenbach, opposé de longue date aux machines à voter, ne lâche pas le morceau. L’élu a déposé un amendement au projet de loi Numérique afin que la France abandonne définitivement ces appareils.
Vous ne le saviez peut-être pas, mais les machines à voter sont autorisées dans notre pays depuis 1969. Plusieurs incidents survenus en 2007 (écarts entre le nombre d’émargements et de votes, temps d’attente parfois très long...) ont toutefois conduit les autorités à adopter un moratoire, en vertu duquel aucune nouvelle commune ne peut dorénavant être habilitée à utiliser ces joujoux bourrés d’électronique. Tant et si bien qu'en 2012, une soixantaine de villes se servaient encore de ces appareils, pour environ 1,1 million d’électeurs concernés.
« Il serait temps de choisir ! » assénait il y a quelques mois le sénateur Kaltenbach (PS). Dans nos colonnes, l’élu déplorait cette situation de « ni-ni » qui prévaut depuis presque dix ans : « Soit on réouvre parce qu'on considère que le système est fiable, soit on ferme... Un moratoire n'a pas vocation à être éternel. C'est une contradiction qui est flagrante, d’autant que toutes les critiques de 2007 continuent à être là. »
Le sénateur Kaltenbach revient à la charge
Au travers d’un amendement au projet de loi Numérique (qui sera débattu à partir du 26 avril au Sénat) Philippe Kaltenbach revient à la charge. Il propose que les machines à voter soient totalement interdites, ce qui conduirait les quelques villes qui font toujours de la résistance à abandonner leur matériel d’ici aux prochaines élections. Le parlementaire se justifie par un long plaidoyer. « Partout en Europe et dans les pays démocratiques, leur usage est en déclin, du fait de l'absence d'infaillibilité et de contrôle citoyen sur les opérations de vote » commence-t-il par exposer.
Car c’est bien le flou autour de l’enregistrement des suffrages qui inquiète le sénateur. « Le code source [des machines à voter] ressort de la propriété intellectuelle brevetée. En conséquence de quoi, il ne peut être communiqué aux électeurs : secret industriel oblige. » Résultat, « aucune analyse de certification du code source de l'urne électronique n'est effectuée, ne permettant pas de garantir avec le niveau d'assurance requis un comportement optimal de la machine pendant le déroulement du scrutin ». En somme, poursuit l’élu, « il est demandé aux électeurs comme aux candidats de faire une confiance absolue à ces machines électroniques, sans donnée concrète, quantifiable et vérifiable pour étayer cette confiance ».
Philippe Kaltenbach illustre également ses propos : « L'une des machines utilisées en France n'a plus d'agrément aux États-Unis suite à une fraude au Texas, lors de l'élection présidentielle de 2004. Aucune preuve n'a pu formellement être apportée d'une manipulation du scrutin sauf la trace d'une altération du code source pendant le déroulement du scrutin. En substance, la preuve que l'urne électronique garantit l'intégrité des données dont elle est le support fait défaut. Une corruption de la donnée, indétectable lors du scellé et du paramétrage, qui modifie le déroulement du scrutin en altérant son résultat. »
Une réforme rejetée il y a quelques semaines à l'Assemblée
Cette réforme semble cependant avoir peu de chances d’être approuvée par le législateur. Il y a quelques semaines, dans le cadre des propositions de loi de modernisation de l’élection présidentielle, les députés – suivant l’avis du gouvernement – ont rejeté un amendement écologiste prévoyant l’abandon des machines à voter à compter du 1er janvier 2018 (ce qui aurait permis d’étaler dans le temps cette mesure).
« Aucune nouvelle commune ne peut recourir aux machines à voter. La portée pratique de l'amendement est donc pour l'instant assez limitée », a objecté la rapporteur Élisabeth Pochon (PS), sans qu’il n’y ait de discussion plus poussée. L’intéressée a simplement concédé que « peut-être faudra-t-il un jour une mission sur les machines à voter pour savoir si effectivement ça reste quelque chose que nous devons garder ». Le PS réclamait pourtant déjà un tel débat en 2007, lorsqu’il était dans l’opposition (voir notre article).