Alors que certains parlementaires rêvent de l’instauration d’un « revenu de base » à l’heure du numérique, le rapport Sirugue sur les minima sociaux tend plutôt à écarter cette piste. Le député socialiste préférerait une « couverture socle commune ». Il en appelle dans un autre registre à des améliorations concernant les démarches des citoyens sur Internet.
« La nécessité d’agir est bien une évidence », conclut le député Christophe Sirugue à l’appui d’un constat qui ne surprendra pas grand-monde : « Aujourd’hui, ni la simplicité, ni l’égalité de traitement des allocataires ne sont garantis et j’ai la conviction que ce n’est qu’en proposant une réforme véritablement structurante de l’architecture, avec la mise en place d’une couverture socle commune, accompagnée d’une ambition nouvelle en matière d’insertion, que de telles difficultés pourront être résolues ». L’élu, qui a été chargé par le Premier ministre de réfléchir pendant plusieurs mois à un chantier de simplification de l’ensemble des minima sociaux, a rendu ce matin son rapport (PDF) à Manuel Valls.
On y apprend que la France compte aujourd’hui dix minima sociaux (RSA, AAH, ASS, allocation veuvage, etc.), dont bénéficient quatre millions d’allocataires. Ces aides se caractérisent notamment par leur « complexité », explique Christophe Sirugue, laquelle « concerne tant la compréhension de l’ensemble du système et l’articulation entre les différents dispositifs existants que le parcours propre de l’usager dans chacun des minima et les démarches qu’il doit entreprendre pour avoir accès à ses droits ». La diversité et l’hétérogénéité des conditions d’attribution de ces prestations sociales sont également nombreuses, « au risque parfois de rendre le système inéquitable ».
Encore loin d’un « revenu de base » à l’heure du numérique
Face à ce constat, l’élu PS met en avant trois scénarios :
- Mettre en œuvre, dès le 1er janvier 2017, une dizaine de mesures de simplification de l’architecture des minima sociaux. Il s’agirait « d’abord de réduire la complexité d’ensemble et de faciliter l’accès des usagers à leurs droits, par exemple en rendant plus prévisible les montants versés aux allocataires du RSA (...) en favorisant les échanges de données entre opérateurs ou encore en développant largement les simulateurs et outils numériques permettant de faire ses démarches ».
- Réduire par deux le nombre de minimas sociaux à horizon 2020. Différents rapprochements seraient en contrepartie enclenchés : intégration de l’allocation veuvage, de l’allocation temporaire d’attente et du revenu de solidarité outre-mer dans le RSA, etc.
- Instaurer une « couverture socle commune » d’environ 400 euros par mois qui viendrait remplacer les dix minimas existants. Ce dispositif – éligible à tous les résidents âgés de 18 ans ou plus, sous condition de ressources – pourrait éventuellement être agrémenté d’un « complément d’insertion » (permettant à tout actif de plus de 18 ans de bénéficier d’un accompagnement ad hoc) et d’un « complément de soutien » visant à préserver les ressources des personnes en situation de handicap ainsi que des personnes âgées.
De ces trois pistes, c’est la dernière qui a la faveur de Christophe Sirugue. Elle permettrait selon lui « la plus grande simplification du système des minima sociaux, tout en préservant la situation des bénéficiaires ». Cette position fait écho aux récentes propositions autour du revenu de base à l’heure du numérique. « Aujourd’hui, l’idée de revenu universel prend de plus en plus d’ampleur à mesure que se pose la question du devenir de l’emploi sous l’effet des nouvelles technologies, de l’automatisation et du développement de l’intelligence artificielle », note à cet égard le parlementaire.

Le rapporteur prend toutefois des distances très claires avec les promoteurs du revenu universel, dont il reconnaît simplement partager certains principes tels que « l’individualisation partielle de la couverture socle versée, la séparation assurée avec les dispositifs de soutien à l’accès au logement et à la parentalité ou encore l’automatisation à terme du versement du socle ». Contrairement au revenu de base, il n’est pas ici question d’avoir une aide tout au long de la vie, ou bien encore de pouvoir cumuler celle-ci avec une activité salariée. Christophe Sirugue craint en effet que « certaines conceptions très libérales du "revenu universel" [puissent] aboutir à remettre intégralement en cause notre système de protection sociale ».
Besoin d’outils numériques de simplification des démarches administratives
Le député explique que cette réforme pourrait quoi qu’il en soit être utilement complétée par l’adoption de mesures de simplification prévues pour le premier scénario, lesquelles permettraient « d’améliorer très rapidement la situation des allocataires ». Parmi ces propositions, figure notamment le développement d’outils numériques facilitant les démarches des citoyens. Le rapport salue en ce sens la mise en œuvre de nombreux simulateurs (à l’instar de « Mes-Aides »), mais estime qu’il faudrait désormais « favoriser la création de téléprocédures pour permettre à l’allocataire de demander directement ces prestations à travers ces outils et qu’il n’ait plus à se contenter d’une simple simulation ».

Christophe Sirugue va jusqu’à rêver d’un « portail numérique des droits sociaux », destiné entre autre à limiter le phénomène du non-recours aux aides : « Ce portail, lié à la création du compte personnel d’activité [dont devrait bénéficier chaque salarié à partir du 1er janvier 2017, ndlr], restituerait dans un premier temps l’ensemble des droits sociaux de l’utilisateur et fédérerait en un point d’entrée unique les espaces personnels existants des organismes de protection sociale. Cette vocation d’information pourrait être enrichie par de nouvelles fonctionnalités telles que des alertes personnalisées pour informer l’usager d’un nouveau droit existant au regard de sa situation ou encore constituer un espace unique de déclaration de changement de situation ayant des incidences sur les droits sociaux. »
Le rapport prône d’autre part une meilleure « interopérabilité des systèmes d’information des organismes [de type Pôle Emploi, DGFiP...] afin de mettre effectivement le principe « Dites-le nous une fois » et donc de limiter drastiquement le nombre de pièces justificatives à fournir par le demandeur, voire de les supprimer ». Les échanges de données entre opérateurs publics permettrait aussi, poursuit le parlementaire, de renforcer davantage le ciblage des contrôles.