Las de ne pas trouver de solution satisfaisante à un problème de physique quantique, des chercheurs d'une université danoise ont transposé leur problème sous la forme d'un jeu vidéo. Les gamers ont fait le reste en trouvant des « solutions intéressantes » alors que les algorithmes n'y parvenaient pas.
Il y a quelques semaines, l'intelligence artificielle AlphaGo développée par DeepMind (une filiale de Google) remportait une victoire historique contre Lee Sedol, l'un des meilleurs joueurs professionnels du monde, avec un score final sans ambiguïté : 4 à 1. Un bond important et plus rapide que ne le pensaient certains pour l'intelligence artificielle. Mais l'Homme et son formidable cerveau n'ont pas dit encore leur dernier mot, loin de là. Des joueurs ont en effet aidé des scientifiques à résoudre un problème de physique quantique sur lequel les algorithmes se cassaient les dents.
La physique quantique, « personne ne comprend vraiment » ce que c'est
Sans entrer dans les détails, sachez que la physique quantique décrit le comportement de l'univers au niveau microscopique (atomes, particules, etc.). Et le moins que l'on puisse dire c'est que cela change de la physique dite classique. Parmi les « bizarreries » de la physique quantique, on peut citer la dualité onde-corpuscule (avec la célèbre expérience des fentes d'Young), le principe d'incertitude de Heisenberg, la contrafactualité, etc.
Autant de phénomènes qu'il est très difficile d'appréhender pour le commun des mortels... mais pas que. Deux citations du spécialiste Richard Phillips Feynman (prix Nobel de physique en 1965) permet de s'en convaincre : « Je crois pouvoir affirmer que personne ne comprend vraiment la physique quantique » et « si vous croyez avoir compris la mécanique quantique, c’est que vous n’avez rien compris ». Pour en savoir davantage sur la physique quantique avec des exemples et de la vulgarisation, vous pouvez regarder des vidéos de Bruce de la chaine E-Penser et de David de Science Étonnante.
Quand un problème quantique devient un jeu vidéo
Rien de surprenant donc à ce que de nombreux scientifiques butent régulièrement des phénomènes où des modélisations au niveau quantique, et que par conséquent les ordinateurs aussi puissants soient-ils ne parviennent pas toujours à trouver la solution. Une équipe de chercheurs de l'université d'Aarhus au Danemark a alors eu l'idée de « traduire » les problèmes auxquels ils sont confrontés dans un jeu vidéo : Quantum Moves.
Dans un ordinateur quantique, on ne retrouve pas des bits, mais des qubits (des bits quantiques). Dans l'expérience menée par les scientifiques, « les qubits sont un ensemble d'atomes individuels disposés dans un réseau optique [...] Pour effectuer des calculs quantiques, nous devons être en mesure de saisir un atome en particulier, le déplacer dans le réseau optique et le placer au-dessus d'un autre atome » expliquent-ils. Pour cela, un faisceau laser est utilisé comme des « pinces optiques ». Jusque-là, tout va bien, enfin façon de parler, car il faut tout de même refroidir l'ensemble à -273,15 °C, mais passons sur les détails techniques, ce n'est pas l'objet de l'expérience du jour.
Une fois l'atome capturé, les choses se compliquent et c'est là que le jeu Quantum Moves entre en piste. Le pointeur sur l'écran représente le laser et le liquide représente l'atome. En déplaçant le curseur de votre souris, vous devez amener le liquide (l'atome donc) à sa position finale (le rectangle violet sur l'écran). Des mouvements de haut en bas modifient la puissance du laser et donc la profondeur de la cuvette sur l'écran. Un jeu simple ?
L'Homme dépasse la machine, trop perfectionniste
Oui en apparence, mais le liquide se comporte d'une manière parfois étrange si vous le déplacez trop vite il peut alors former des vagues qui ne s'arrêteront pas. Or le problème est justement de réaliser cette opération le plus vite possible, sans altérer l'atome (et donc le liquide qui doit rester dans la petite cuvette). Alors que les modèles mathématiques et les ordinateurs s'y cassaient les dents, les joueurs ont trouvé des « solutions intéressantes ». Au total, près de 500 000 parties ont été jouées, par environ 10 000 joueurs différents.
« Les Hommes ont trouvé des solutions décentes lorsque le temps était limité, bien que ces solutions ne soient pas parfaites. Cependant, cela vaut mieux que les algorithmes qui cherchaient obstinément des solutions parfaites et n'y parvenaient pas lorsque les solutions n'étaient pas faciles à trouver » expliquent les chercheurs.
Au final, un mélange des deux mondes a permis de trouver des solutions adaptées : « La combinaison de l'agilité de l'Homme et du perfectionnisme des algorithmes informatiques conduisent à un système hybride humain-ordinateur, avec des solutions rapides et raffinées à la perfection ».
Les scientifiques expliquent qu'ils ont été « tellement intrigués par la puissance de l'esprit humain » qu'ils ont décidé de lancer une nouvelle version du jeu baptisée Quantum Minds dont le but est de comprendre comment l'Homme parvient à dépasser les algorithmes informatiques... Le début d'une modélisation pour une intelligence artificielle forte (voir notre analyse) ?