Pour la publication de son nouvel observatoire sur la qualité de l'Internet fixe, l'ARCEP a décidé de ne plus comparer les FAI entre eux, mais de se concentrer sur les technologies. Le régulateur vante les louanges du FTTH au détriment de la fibre avec terminaison coaxiale et veut inciter les FAI à investir dedans.
L'ARCEP vient de mettre en ligne son quatrième bilan de « la qualité du service fixe d’accès à Internet » pour le second semestre 2015. Les modalités de publication de cet observatoire, toujours en version bêta, ont été modifiées par le régulateur des télécoms afin de se consacrer « essentiellement au suivi des performances des différentes technologies d’accès ».
Avant d'entrer dans le vif du sujet, l'autorité « invite le lecteur à la prudence quant à l’interprétation des données publiées dans le présent rapport de synthèse, qui correspond à un exercice test (version bêta) ».
« Fibre* » : après l'arrêté du gouvernement, l'observatoire de l'ARCEP
Dans tous les cas, il n'est donc plus question d'opposer directement les FAI entre eux, mais de mettre en concurrence le xDSL, le HFC/FTTLA (fibre avec terminaison coaxiale) et le FTTH (fibre optique jusqu'à l'abonné), et ce, quel que soit le FAI. Si les deux dernières technologies permettent d'obtenir des débits descendants de 1Gb/s au maximum, la ressemblance s'arrête généralement là ; n'en déplaise à Numericable-SFR qui entretient le flou entre ses deux réseaux FTTLA et FTTH regroupés sous le terme générique « Fibre* ».
Après s'être félicité de l'arrêté du gouvernement qui impose aux fournisseurs d'accès de différencier la fibre avec terminaison coaxiale de la fibre optique jusqu'à l'abonné dès le 1er juin, le régulateur passe la seconde couche avec son observatoire qui met à l'honneur le FTTH, qui est présenté comme « la technologie d’accès la plus performante ».
Adieu distinction des FAI, bonjour opposition des technologies xDSL, FTTLA et FTTH
Si les quatre grands opérateurs nationaux (Bouygues Telecom, Free, Numericable-SFR et Orange) sont pris en compte pour les mesures, le détail des résultats de chacun n'est donc plus communiqué. Voilà qui ne devrait pas forcément plaire à Bouygues Telecom qui profitait généralement de ses bons résultats sur les précédents observatoires pour les mettre en avant dans des communiqués de presse ou dans ses publicités, avec la mention bêta pas toujours très visible.
Le gendarme des télécoms explique qu'il a tenu compte de la segmentation des offres très haut débit FTTLA et FTTH (30 Mb/s, 100 Mb/s, 200 Mb/s, 500 Mb/s et 1 Gb/s) et qu'il a sélectionné des lignes de tests et des abonnements en conséquence. Sur la fibre optique à terminaison coaxiale, il y a huit forfaits à 30 Mb/s, neuf à 100 Mb/s et neuf autres à 200 Mb/s et plus.
Sur le FTTH, quatre sont à 100 Mb/s, quatre autres à 200 Mb/s, encore quatre de plus 500 Mb/s et huit à 1 Gb/s ; pour les lignes 100, 200 et 500 Mb/s il s'agit des différentes déclinaisons des offres Livebox d'Orange. Chez SFR et Bouygues Telecom, les lignes sont toutes à 1 Gb/s, tandis que Free est absent des mesures sur le FTTH.
Débit descendant, montant et latence : l'ARCEP vante les louanges du FTTH
Premier test, l'incontournable mesure du débit descendant, souvent placardé comme argument de vente par les FAI. Le régulateur précise que les mesures ont été effectuées avec la télévision éteinte, car cette dernière peut consommer plusieurs Mb/s suivant la qualité demandée. L'impact sur le xDSL est donc loin d'être négligeable, tandis qu'il est négligeable sur le FTTH et totalement inexistant sur le FTTLA.
Sans surprise, le xDSL varie entre 5 et 20 Mb/s en moyenne suivant la longueur des lignes. Pour le FTTLA et le FTTH, cela correspond généralement à l'annonce du FAI, avec un net avantage pour la fibre optique jusqu'à l'abonné. « La dispersion importante observée dans les résultats des lignes FTTH, en particulier sur les indicateurs de débit, s’explique principalement par une importante segmentation des offres commercialisées sur la base des débits descendants et montants. Celle-ci ne traduit pas nécessairement un manque de fiabilité ou de stabilité de ce type d’accès » explique l'ARCEP.
Mais là où la fibre optique de bout en bout montre tout son potentiel, c'est sur le débit montant. En FTTLA, il est souvent bridé à quelques dizaines de Mb/s maximums, alors qu'il peut grimper jusqu'à 250 Mb/s en FTTH. On remarque également que le câble à 30 Mb/s ne fait pas vraiment mieux que certaines lignes xDSL, ce qui est logique puisqu'il est annoncé à 1 Mb/s en upload (2 Mb/s pour les clients Numericable), soit moins que bon nombre de lignes VDSL2 (pour ceux qui ont la chance d'en profiter).
Les débits en download puis en upload
Le cas particulier de la latence sur les lignes avec terminaison coaxiale
L'ARCEP enchaine ensuite avec la latence, un facteur bien connu des joueurs en réseau, mais qui peut aussi avoir son importance dans d'autres domaines : « une latence élevée dégradera toutes les applications en direct (dites aussi « en temps réel ») en introduisant des décalages pouvant parfois être très désagréables. C’est notamment le cas des applications de visioconférence et de téléphonie (Skype, Google Hangouts, etc.) ».
Comme on peut le remarquer sur les graphiques ci-dessous, le FTTH se détache largement sur les mires proches avec une moyenne de 8 ms, contre 18 à 22 ms pour le xDSL et le FTTLA. On remarque d'ailleurs que la latence moyenne pour le câble à 100 et 200 Mb/s est plus importante qu'avec du câble à 30 Mb/s et que sur des lignes xDSL moyennes ou courtes.
Sur des mires lointaines, le FTTH est encore en tête, tandis que les autres technologies sont assez proches les unes des autres, avec les deux dernières places pour le câble à 100 et 200 Mb/s.
Le régulateur ne donne pas d'explication sur les piètres performances du câble à 100 et 200 Mb/s. Cela pourrait par exemple venir du protocole utilisé DOCSIS 2.0 pour le FTTLA à 30 Mb/s et DOCSIS 3.0 pour le FTTLA à 100 et 200 Mb/s, mais rien n'est précisé dans un sens comme dans l'autre. Nous tâcherons d'en savoir plus auprès de Numericable-SFR ou du régulateur.
Si l'on regarde le précédent observatoire de la qualité de l'internet sur le fixe (premier semestre 2015), on remarque par contre les mêmes tendances : le câble à 100 Mb/s et plus avait toujours une latence plus importante que celui à 30 Mb/s, et parfois même que le xDSL.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le câble en prend pour son grade dans cette série de tests. Que ce soit sur des mires proches ou lointaines, le FTTLA se retrouve bien souvent derrière les lignes xDSL courte et moyenne et même parfois en dessous des lignes longues (pour le câble à 100 et 200 Mb/s).
Sur les indicateurs d'usages, les différences sont moins marquées
Passons maintenant aux analyses pratiques avec des indicateurs d'usages. Sur la navigation web, le xDSL sur de longues lignes montre ses limites, tandis que le FTTLA prend le dessus sur le xDSL, suivi par le FTTH qui prend la tête, mais qui ne se démarque pas plus que cela.
Sur la lecture de vidéo en streaming, les différentes technologies sont assez proches avec plus de 99,9 % de disponibilité et aucune rupture dans tous les cas. Lors d'un téléchargement de fichier en P2P via BitTorrent, on se retrouve dans une situation assez proche des tests de débits descendants, avec des écarts moins marqués, ce qui est finalement assez logique.
Si les débits descendants, montants et la latence donnent un net avantage au FTTH par rapport au FTTLA, les indicateurs d'usages sont plus mesurés, bien qu'ils donnent eux aussi l'avantage à la fibre optique de bout en bout.
Navigation web / streaming vidéo / P2P
« L’apport de la fibre optique jusqu’à l’abonné »
Au final, l'ARCEP explique que les modifications apportées à cette quatrième publication sont la conséquence d'un travail de son comité technique (auquel prennent part des FAI. Cet observatoire « repose sur un outil de mesure en environnement contrôlé que l’ARCEP souhaite désormais, dans l’attente de la révision de la décision no 2013-0004, consacrer principalement au suivi et à la comparaison des performances des différentes technologies d’accès » précise le régulateur.
Fini la comparaison des performances d'un FAI par rapport aux autres, place à la guerre des technologies avec une ode à la fibre optique jusqu'à l'abonné : « les résultats établissent clairement l’apport de la fibre optique jusqu’à l’abonné, notamment sur les indicateurs de débit montant – qui joue un rôle crucial dans des usages impliquant le partage de fichiers (vidéos, photo…), le stockage de données en ligne (Cloud) ou encore l’auto-hébergement de sites web ou de services – et de latence – qui a un impact direct sur la qualité d’expérience sur des usages tels que la navigation web ou les jeux vidéo en ligne ».
En plus d'informer les utilisateurs sur les différentes technologies disponibles, avec probablement l'idée de bien marquer la différence entre le FTTLA et le FTTH, le gendarme des télécoms veut « inciter les opérateurs à investir dans les réseaux d’accès de nouvelle génération en vue de l’amélioration constante de leurs services ». En effet, vanter les performances du FTTH est une chose, le proposer à une majorité des Français en est une autre. Pour le moment, la fibre optique jusqu'à l'abonné est en effet principalement poussée par un opérateur qui déploie et recrute massivement : Orange.