La ministre de la Culture l’assure : la démission des cinq industriels sera sans effet sur le vote en commission copie privée du futur barème proposé par les ayants droit. Un barème qui consacrera une hausse des tarifs copie privée sur la plupart des supports, votée quelques jours avant Noël.
La démission des 5 industriels de la Commission copie privée ne menacera pas le vote des barèmes des ayants droit, attendu d’ici la fin de l’année : « La commission peut tout à fait continuer son travail même sans les industriels. Tant pis pour eux. Je n'accepterai pas le coup de force ». Au lendemain de l'audition à l'Assemblée nationale, Aurélie Filippetti l’a dit au Point. Les 12 ayants droit, les 6 consommateurs et le dernier industriel en place (la Fédération Française des Télécoms) vont donc travailler seuls pour voter les barèmes de rémunération proposés par les ayants droit, pour les ayants droit, à partir des études d’usages financées par les ayants droit.
Questionné par le Point, un juriste assure que la Commission peut voter en leur absence. En bouclier, une théorie du droit administratif, la théorie des « formalités impossibles ». « Dès lors que la loi doit être appliquée et que l'incomplétude de la commission résulte d'une manoeuvre délibérée visant à paralyser son fonctionnement, la complétude de la commission devrait être regardée par le juge, en cas de recours, comme une formalité impossible à remplir. La commission aura pu valablement délibérer quand même » indique ce juriste à nos confrères.
Une autre ceinture de sécurité anti-remboursement
Ajoutons qu’en toute évidence, un autre bouclier du droit administratif protège les ayants droit de l’annulation des barèmes illicites (qui sont des actes administratifs). C’est une jurisprudence du Conseil d’État dite « AC! » en date du 11 mai 2004. Le Conseil d’État s’autorise à ne réserver une annulation que pour l’avenir lorsque les conséquences de cette décision normalement rétroactive seraient « manifestement excessives ».
Plusieurs fois, la Commission copie privée a voté des tarifs illicites soit parce qu’ils étaient grossis avec les copies pirates, soit parce qu’ils frappaient les copies professionnelles. Plusieurs fois, le Conseil d’État a annulé ces barèmes en n’annulant que pour l’avenir (voir notre rappel). Conséquence ? Les ayants droit n’ont pas eu à rembourser ce qu’ils s’étaient distribués dans leurs poches. Des sommes conséquentes qui se chiffrent en plusieurs dizaines de millions d'euros chaque année.
La parade trouvée par Imation
Certains ont trouvé une parade à ce dispositif ultra favorable aux ayants droit. Imation a par exemple bloqué les paiements de copie privée estimant avoir trop versé depuis des années. Dans le détail, la société estime que les arrêts du Conseil d’État ne sont pas en capacité de limiter dans le temps un constat de violation effectué par la CJUE.
Dans l’arrêt Padawan de fin 2010, en effet, la Cour de Luxembourg a rappelé que depuis la directive de 2001, les professionnels n’ont pas à payer. Depuis la transposition de cette directive, Imation a reversé 71 millions d’euros de rémunération prélevés sur tous les supports vendus par elle. Dans ces flux, 40 millions d’euros ont été perçus sur des supports destinés à un canal purement professionnel. Imation ne reverse plus rien et ne débloquera les fonds vers Copie France que lorsqu'elle estimera être intégralement compensée de ce trop versé. L’affaire est en cours, les ayants droit ayant fait appel après une victoire d'Imation dans une procédure d’urgence.