Alors que le nouveau délit de cyber-harcèlement est en vigueur depuis moins de deux ans, un sénateur vient de déposer une proposition de loi visant à en durcir les sanctions, notamment en cas de suicide de la victime. Il demande également à ce que les jeunes soient davantage sensibilisés à l’école.
« Tout comme les harceleurs en chair et en os, les cyber-harceleurs font intrusion dans les vies de leurs victimes de manière imprévisible et menaçante. Ce harcèlement a des conséquences sur tous les aspects de la vie et de la réputation d'une personne, sa santé physique et psychique, explique le sénateur Roland Courteau dans son exposé des motifs. Le plus souvent, le harceleur n'est pas identifié et demeure inconnu de sa victime. L'imprévisibilité qu'ajoute l'anonymat rend encore plus difficile la possibilité pour la victime d'évaluer les risques au quotidien et peut donc accroître son degré d'anxiété et de peur. »
Les faits divers en matière de cyber-harcèlement sont malheureusement assez nombreux, et soulignent le sadisme de certains individus : création de fausses pages Facebook au nom de la victime, diffusion de vidéos ou d’images humiliantes, envoi massif de SMS injurieux, etc.
Davantage de prévention à l’école
Pour lutter contre ces comportements, le parlementaire socialiste souhaite tout d’abord renforcer la prévention. « Toute personne doit être initiée à la protection de ses informations personnelles et à la gestion de ses paramètres de confidentialité, l'utilisation du téléphone mobile au sein des établissements scolaires doit être encadrée, clame ainsi Roland Courteau. La prévention du cyber-harcèlement doit faire partie intégrante de la politique de gestion du harcèlement et de la violence à l'école comme sur le lieu de travail » ajoute-t-il.
Son texte vise plus précisément à modifier le Code de l’éducation, afin qu’une « information consacrée à la détection et la lutte contre le cyber-harcèlement » soit dispensée aux élèves « à tous les stades de la scolarité » – sur le modèle de ce qui prévaut actuellement en matière de consommation de drogue, de sexualité ou d’égalité homme-femme notamment. De plus, les écoles supérieures du professorat seraient expressément tenues de sensibiliser les futurs enseignants aux problématiques liées au cyber-harcèlement.
Jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende en cas de suicide de la victime
« L'actualité nous rappelle malgré tout que la prévention ne suffit pas toujours », poursuit Roland Courteau. Pour mémoire, l’article 222-33-2-2 du Code pénal – introduit en août 2014 par le législateur – permet aujourd’hui de réprimer le cyber-harcèlement : le fait « de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale » est passible de 2 ans de prison et de 30 000 euros d’amende à partir du moment où il y a eu « utilisation d'un service de communication au public en ligne ». L’addition peut même grimper jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende dès lors que la victime a moins de 15 ans, a subi une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, ou était « vulnérable » (maladie, grossesse...).
« Ces faits [de cyber-harcèlement] sont moins sévèrement punis que le vol à l'étalage ou le recel d'une bicyclette, regrette aujourd’hui le sénateur Courteau. Remédier à cette situation, c'est aussi reconnaître les victimes dans leurs droits. » Sa proposition de loi vise ainsi à porter systématiquement à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende la peine encourue pour du cyber-harcèlement. En cas de suicide de la victime, le harceleur encourrait jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende.
Le cyber-harcèlement pourrait s'inviter dans les débats sur la loi Numérique
On peut imaginer que ces dispositions pourraient être reprises sous forme d’amendement au projet de loi Numérique, qui sera débattu en séance publique au Sénat à partir du 26 avril. Certains risquent néanmoins d’objecter, au moins sur la partie relative à la prévention, qu’il est d’ores et déjà prévu que les jeunes bénéficient d’une sensibilisation « aux droits et aux devoirs liés à l'usage de l'internet et des réseaux, dont la protection de la vie privée et le respect de la propriété intellectuelle » (article 312-9 du Code de l’éducation).
Le durcissement des sanctions ne fait pas non plus l’unanimité. « Pénaliser un peu plus et criminaliser des jeunes qui bien souvent ne mesurent pas la portée de ce qu’ils font et qui commencent ce type de choses ou le font pour « blaguer », comme une plaisanterie, je ne pense pas que ça aide beaucoup... » nous expliquait ainsi la spécialiste Catherine Blaya (voir notre interview sur le cyber-harcèlement scolaire). « On sait bien que la criminalisation ne fait pas beaucoup avancer les choses en termes de prévention. Donc je suis assez prudente lorsqu’il y a une pénalisation des jeunes à ce niveau là. Je crois qu’il est beaucoup plus important de porter l’accent sur la prévention et l’éducation. »