La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a adopté hier l’article du projet de loi Travail relatif au « droit à la déconnexion » des salariés. Les députés ont sensiblement enrichi la copie du gouvernement, en prévoyant notamment une mise en œuvre dès le 1er janvier 2017.
Alors que les emails et appels à caractère professionnels s’immiscent de plus en plus facilement dans la vie privée des travailleurs, notamment suite au développement des smartphones, l’exécutif a inscrit dans le projet de loi El Khomri des dispositions censées introduire en France un « droit à la déconnexion ». Il est ainsi prévu qu’au sein de chaque entreprise, employeur et employés discutent chaque année de « l’utilisation des outils numériques », « en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congés » des salariés. Les pistes à envisager varieront ainsi au fil des sociétés et de leurs besoins : blocage des emails durant certaines plages horaires, engagements mutuels de la part des employés et de leurs supérieurs, etc.
À défaut d’accord, précise cependant le texte, l’employeur définira seul les modalités de ce droit à la déconnexion. Il lui faudra simplement les communiquer aux salariés de l’entreprise.

Débattu en commission des affaires sociales hier, cet article a fait l’objet de plusieurs amendements. Le rapporteur Christophe Sirugue (PS) a notamment voulu que les entreprises soient tenues de mettre en place des « dispositifs de régulation ». « Pour être effectif, le droit à la déconnexion (...) doit s’accompagner de l’appropriation par les acteurs de l’entreprise d’une forme de « devoir de déconnexion » consistant en une régulation volontaire et partagée de l’usage des outils numériques », plaidait le député dans son exposé des motifs.
Autre ajout : le droit à la déconnexion devra viser au respect des temps de repos et de congés du salarié, mais aussi à celui de sa « vie personnelle et familiale ».
Plus de contraintes, mais pas d’amende en cas de manquement
Alors que le texte de la ministre du Travail prévoyait qu’une charte soit a minima prise pour les entreprises de 300 salariés et plus, les députés de la commission des affaires sociales ont rabaissé ce seuil à 50 salariés. Ils se sont également prononcés en faveur d’amendements rendant l’ensemble des dispositions relatives au droit à la déconnexion applicables à compter du 1er janvier 2017, alors que le gouvernement misait sur une entrée en vigueur en 2018.
En revanche, ils n’ont pas adopté l’amendement visant à introduire une pénalité (dont le montant aurait été fixé ultérieurement par décret) en cas de non-respect par un employeur de ses obligations liées au droit à la déconnexion. Celui-ci a été retiré sur demande du rapporteur, mais pourrait revenir en séance publique.
Vers une grande expérimentation au niveau national
La socialiste Corinne Erhel a enfin défendu avec succès un amendement tendant à la mise en place d’une « expérimentation nationale » d’une durée de douze mois, portant sur « l’articulation du temps de travail et de l’usage raisonnable des messageries électroniques par les salariés ou les agents publics », notamment durant les jours non-travaillés et en dehors des horaires classiques. Cette opération devra avoir lieu un an « au plus tard » après la promulgation de la loi El Khomri.
L’objectif ? Élaborer à l’issue de ces expériences (dont on devine qu’elles pourraient parfois se concrétiser par des blocages de mails durant certaines plages horaires) des lignes directrices adaptées, notamment aux types de structures – petites ou grandes entreprises, privées ou publiques...
Les discussions sur ce projet de loi débuteront en séance publique le mardi 3 mai.