Réforme pénale : la petite farce de l'IMSI catcher

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Droit 4 min
Réforme pénale : la petite farce de l'IMSI catcher

Une petite farce. Voilà comment pourrait être résumé le vote par les sénateurs, dans le silence poli du gouvernement, de l’article 2 du projet de loi sur la réforme pénale, celui visant - en façade - les IMSI catcher.

D’abord, un petit rappel. Pour mémoire, derrière la curieuse expression, se cachent de fausses antennes relai destinées à s’intercaler entre les vraies antennes pour glaner les données des appareils connectés passant dans son spectre. Elles ont déjà été sanctuarisées par la loi sur le renseignement. Le projet de réforme pénale entend les généraliser dans plusieurs procédures judiciaires.

À l’origine, l’article 2 de ce projet de loi en cours de discussion, était taillé pour autoriser « le recours au dispositif d’IMSI catcher pour la criminalité et la délinquance organisée ». C’est ce qu’explique le gouvernement dans la présentation de son texte : « Ce dispositif, qui sera autorisé soit par le juge des libertés et de la détention, ou, en urgence, par le procureur de la République, soit par le juge d’instruction, permettra de recueillir les données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur ».

Dans une main, on a donc un IMSI catcher, dans l’autre, le recueil des données de connexion « permettant l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur ». Sauf que ces affirmations n’ont supporté ni l’épreuve du temps, ni celle des textes. Un vrai déluge de farces.

Première farce : le texte ne concerne que les IMSI catchers

C’est faux car beaucoup trop réducteur. Comme nous l’avions déjà dit pour la loi sur le renseignement, le texte gouvernemental autorise la mise en place non d’un « IMSI Catcher » mais d’« un dispositif technique mentionné au 1° de l’article 226-3 du Code pénal ». L’enjeu pour lui est de ne pas être figé sur une technologie.

L'article 226-3 en question vise en effet tous les appareils et logiciels qui, par conception, permettent d’ouvrir, supprimer, retarder, détourner, prendre connaissance, intercepter, utiliser ou divulguer une correspondance privée. Cela embrasse donc les IMSI catchers, mais également toutes les autres technologies intrusives disponibles ou à venir qui assurent ce type de services. 

Seconde farce : le texte ne concerne que les données de connexion

Face aux députés, Jean-Jacques Urvoas avait tenté de rassurer : « ce matériel sera utilisé uniquement pour obtenir le numéro de la carte SIM, voire le numéro IMEI, c’est-à-dire l’immatriculation du téléphone portable. Aucune donnée de flux ou de contenu n’est donc concernée, et l’atteinte à la vie privée est minime au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ».

Il disait vrai en l’état du projet de loi. Mais comme par magie, cette limitation a sauté au Sénat. Dans un amendement adopté en Commission des lois, ces IMSI catchers (et autres techniques intrusives) ont été étendus pour l’interception « des correspondances émises ou reçues par un équipement terminal ». Soit des écoutes frappant une conversation et toutes autres formes de correspondances privées. Et hier, le gouvernement s’est bien gardé de déposer un amendement pour revenir sur ce texte et faire en sorte qu’« aucune donnée de contenu » ne soit concernée.

IMSI catcher réforme pénale

Troisième farce : la portée limitée des IMSI catcher

Au Sénat, Cécile Cukierman a décrit très justement cette technique comme étant « très intrusive » l’assimilant à la « pêche au chalut » puisque « toutes les données à la ronde sont collectées, et pas seulement celles de la personne ciblée. » En vain : son amendement de suppression a été bazardé en quelques secondes en séance.

Plus amusant. D’autres sénateurs ont voulu limiter la portée de cette technologie à un rayon inférieur « à deux cents mètres ». Pour Jacques Mézard, en effet, l’enjeu est de s’assurer « que l'usage de telles captations concerne un minimum de personnes collatérales en tenant compte des capacités technologiques actuelles, dont la portée varie entre un rayon de deux mètres ou de quelques centaines de mètres ».

Jean-Jacques Urvoas s’y est opposé, main sur le cœur et œil humide : « Deux cents mètres, c'est beaucoup trop ! Les IMSI-catchers ne vont pas jusque-là. Plus courte est la portée, mieux c'est ! ». Cette fois, l’amendement a été retiré par ses auteurs.

Mais ce qu’a oublié de rappeler le garde des Sceaux, c’est que le gouvernement a notifié fin février à la Commission européenne un texte pour modifier le champ d‘application de l’article 226-3 du Code pénal. La réforme attendue autorisera le recueil des données de connexion et de contenus via également une vraie antenne relai de téléphonie mobile. Grâce à l’intelligence embarquée dans ces éléments de réseaux de nouvelles générations, il sera possible de dupliquer l’ensemble des correspondances échangées dans son rayon d’action. Et ce rayon dépasse allègrement les 200 mètres qu’Urvoas feignait de trouver tellement « trop » vastes.

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