L’Assemblée nationale s’oppose au dépôt légal des ebooks

Je panse donc j'essuie
Droit 3 min
L’Assemblée nationale s’oppose au dépôt légal des ebooks
Crédits : Richard Ying et Tangui Morlier (CC BY-SA 3.0)

Suivant les consignes du gouvernement, l’Assemblée nationale a refusé hier de contraindre les éditeurs d’ebooks à transmettre, au titre du dépôt légal, un fichier de leurs ouvrages à la Bibliothèque nationale de France. Les débats ont cependant été (un peu) plus constructifs qu’en commission.

« Madame la ministre, vos arguments sont erronés, je suis navrée de le dire », a fini par lâcher la députée Isabelle Attard après que le rapporteur Patrick Bloche (PS) et Audrey Azoulay, la locataire de la Rue de Valois, ont – à nouveau – donné un avis défavorable à ses amendements tendant à instaurer un véritable dépôt légal des livres numériques.

Et pour cause, la ministre de la Culture a maintenu que les éditeurs étaient « déjà soumis, sans ambiguïté, à l’obligation de dépôt pour le livre numérique, à l’instar de leurs homologues des autres industries culturelles, pour leurs propres contenus ». Or comme l’explique noir sur blanc la BNF, « à ce jour, il n'y a pas de dépôt à l'unité des publications numériques en ligne ou téléchargeables, leur collecte passe par le site web qui les diffuse ». Les robots moissonneurs chargés d’archiver le « web français » peuvent effectivement récupérer des ebooks, sauf que cette mission se révèle extrêmement difficile – sinon impossible – à partir du moment où des mesures techniques de protection sont déployées, ou lorsque l’accès aux ebooks est payant...

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Patrick Bloche et Audrey Azoulay, hier lors des débats - Crédits : Assemblée nationale

« Nous devons profiter de ce texte pour combler une lacune, un angle mort de la législation » a ainsi exhorté Isabelle Attard, soutenue pour l’occasion par le député Lionel Tardy (Les Républicains). Avant d’ajouter : « Je ne comprendrais pas que nous ne profitions pas du seul créneau de ce quinquennat consacré à la culture pour faire en sorte de mettre tous les livres, en format numérique ou papier, sur le même plan. Absolument aucune contre-indication, aucun argumentaire ne saurait empêcher l’adoption d’un de ces deux amendements, afin que notre patrimoine soit encore plus riche demain et que nous n’oublions personne ».

L’insistance de la députée Isabelle Attard n’y aura cependant rien fait. La ministre de la Culture a campé sur ses positions, épaulée par Patrick Bloche. Cet ancien « mousquetaire » de la bataille Hadopi a jugé que les amendements de la députée écologiste présentaient « un certain nombre d’inconvénients », à commencer par l’utilisation « assez imprécise » du terme de « livres numériques » – étant donné que ceux-ci peuvent « revêtir plusieurs formes ». « En outre, il convient de considérer que d’autres filières pourraient légitimement réclamer un dispositif spécifique – je pense à la photographie ou aux jeux vidéo » a-t-il ajouté.

La Rue de Valois promet de « travailler » le sujet

Pour mieux faire passer cette opposition (qui a suscité l’indignation du collectif SavoirsCom1), la ministre de la Culture a néanmoins laissé entrevoir de possibles ajustements du système de collecte actuel : « Le dispositif réglementaire – issu d’une base législative très large – établi en 2011 n’est pas parfaitement adapté au monde du livre numérique. Le gouvernement et, bien sûr, la BNF partagent cette analyse et s’accordent sur la nécessité de répondre au problème. » Audrey Azoulay a plus précisément annoncé que ses services allaient « y travailler pour ce qui concerne la partie réglementaire, afin de veiller à une bonne adaptation en termes de formats, de mesures techniques de protection, de métadonnées ». Mais elle a bien insisté : « Il n’est cependant pas opportun de créer une base législative supplémentaire, qui risquerait de fragiliser l’actuelle. »

Les deux amendements d'Isabelle Attard ont finalement été rejetés (voir ici et ).

On peut désormais imaginer que l’article R132-23-1 du Code du patrimoine, qui régit les modalités de collecte du dépôt légal de l’internet, pourrait être prochainement modifié afin de mieux prendre en compte les spécificités du livre numérique. À moins qu’il ne s’agisse que d’une promesse en l’air destinée à mettre le sujet sous le tapis en attendant qu’un autre véhicule législatif permette d’aborder cette question – probablement pas avant la prochaine élection présidentielle.

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