Désormais au Sénat, le projet de loi sur la réforme pénale commence son examen avec un passage en commission des lois (notre panorama). Déjà, le rapporteur s’attaque à la question du chiffrement pour étendre plus encore les peines encourues par les acteurs non coopérants.
Aiguillonnés par le bras de fer entre le FBI et Apple outre-Atlantique, les députés avaient déjà aggravé les peines en vigueur en matière de chiffrement.
Des peines alourdies par les députés en matière de terrorisme
Ils ont ainsi modifié les articles 60-1 et 60-2 du Code de procédure pénale. Le premier autorise le procureur de la République (ou l'officier de police judiciaire) à solliciter toute personne susceptible de détenir des informations intéressant l'enquête pour qu’elles lui soient remises. Le second permet aux OPJ de recueillir auprès des entités privées ou publiques toutes « les informations utiles à la manifestation de la vérité » contenues dans leurs systèmes informatiques.
En lieu et place des 3 750 euros d’amende jusqu’alors encourue par les acteurs non coopérants, les députés avaient porté ces sanctions à deux ans d'emprisonnement et 15 000 euros d’amende, mais uniquement dans le domaine du terrorisme. Un ciblage trop pointu qui avait déplu à Jean-Jacques Urvoas, le gouvernement ayant exprimé un avis défavorable.
Vers des peines alourdies et généralisées
Michel Mercier (UDI), rapporteur du texte au Sénat, change l’économie de ces dispositions inscrites à l’article 4 du projet de loi. Pour résumer, son amendement propose de supprimer toutes ces dispositions pour les remplacer par deux nouvelles.
La première nous permet de retrouver l’article 60-1 du Code de procédure pénal. Dans son amendement, il veut que la peine actuelle, les 3 750 euros, soit portée à 15 000 euros lorsque l’infraction concerne une personne morale, celle qui aura refusé de répondre aux réquisitions « tel un constructeur d'appareils ou un prestataire de services ». On note surtout que l’infraction est généralisée, elle ne concerne plus seulement les enquêtes terroristes, mais bien l'ensemble des procédures.
La deuxième couche concerne cette fois l’article 343-15-2 du Code pénal. Introduit par la loi sur la sécurité quotidienne de 2001, il punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende « le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en oeuvre, sur les réquisitions de ces autorités ».
Dans cet article, quand le refus est opposé alors que la remise ou la mise en oeuvre de la convention « aurait permis d'éviter la commission d'un crime ou d'un délit ou d'en limiter les effets », la peine est alors portée à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. Michel Mercier propose de porter ce dernier quantum à 150 000 euros s’il concerne une personne morale.