Dans un arrêt rendu la semaine dernière, la Cour de justice de l’Union a considéré que les titulaires de droit, victimes de contrefaçon, pouvaient obtenir réparation de leur préjudice moral dans le cadre de l'évaluation forfaitaire de leurs préjudices.
Dans ce litige né en Espagne, les juridictions locales se sont interrogées sur le mécanisme de l’article 13, paragraphe 1, de la directive sur les droits d’auteur. Le texte concerne en effet la fixation de dommages-intérêts par les autorités judiciaires face à un cas de contrefaçon.
Dans son a), le texte indique en effet que les juges doivent prendre en considération « tous les aspects appropriés », et l’article de lister notamment « les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte. »
Alternativement, au b), ils peuvent décider plutôt de fixer un montant forfaitaire « sur la base d’éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question ».
Le préjudice moral dans l'indemnisation forfaitaire de la contrefaçon
En Espagne, la question s’est posée de savoir si le mode alternatif permettait également de réclamer un surcroît d’indemnisation pour préjudice moral. Et pour cause : ce préjudice est expressément prévu au point a), mais ni cité, ni exclu au point b).
La CJUE s’est appuyée sur plusieurs considérants de la directive notamment le 10 qui indique que l’indemnisation doit assurer « un niveau de protection élevé » ou encore le 26 qui énonce « entre autres, que, en vue de réparer le préjudice subi du fait d’une atteinte commise par un contrevenant, le montant des dommages-intérêts octroyés au titulaire du droit de propriété intellectuelle devrait prendre en considération tous les aspects appropriés et, notamment, tout préjudice moral qui lui a été causé ». Bref, selon elle, le mode alternatif d’indemnisation peut bien être gonflé du préjudice moral.
Cette interprétation, suivie de près par la France, vient valider la loi sur la contrefaçon adoptée le 11 mars 2014. L’article L331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoit en effet ce mode alternatif, ajoutant que la somme forfaitaire « n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».