C'était annoncé, c'est désormais mis en place : le GESTE et ses membres ont lancé leur action coordonnée visant à informer, et parfois à bloquer, les visiteurs qui utilisent un bloqueur de publicité.
C'est parti ! Comme nous avons déjà eu l'occasion de l'évoquer, le GESTE et ses membres préparent depuis un moment une contre-attaque face aux utilisateurs de bloqueurs de publicité.
Il avait été décidé que cela prendrait la forme d'une campagne de sensibilisation avec l'affichage d'un message spécifique par de nombreux médias français, comme nous l'avions confirmé en fin de semaine dernière, elle commence à se mettre en place. Elle n'est par contre active que sur les sites classiques, et pas ceux pensés pour les smartphones.
20 Minutes promet un usage plus raisonné de la publicité : il reste du travail
Il y a quelques jours, c'est ainsi 20 minutes qui ouvrait le bal, avec un message occupant une bonne partie de la page. Depuis, il a été largement raccourci et s'affiche en tête du site, un peu à la manière de ce que fait déjà Le Point. On peut y lire que « Si vous voulez continuer à vous informer et vous divertir tous les jours avec nous, ce serait sympa de désactiver votre bloqueur de pub (seulement sur notre site, hein) ». Les confrères apprécieront.
Le site s'engage à « limiter la diffusion de publicités intrusives » et incite ses lecteurs à contacter l'équipe avec une capture d'écran sur l'adresse email pubintrusives@20minutes.fr. Une adresse qui va sans doute largement servir puisque ce matin, nous avons consulté le site qui contenait une centaine de traqueurs, un habillage, demandait la position géographique de l'utilisateur et ne déposait pas moins de 382 cookies tiers.
Si c'est flou, c'est qu'il y a un loup
Du côté du Figaro, c'est une approche un peu différente qui a été choisie. En effet, le site rend flou une partie du texte (ce qui est contournable avec une simple sélection du texte en question), un dispositif renforcé si l'on multiplie les visites.
La page intègre aussi un message sous la forme d'un GIF, qui indique que si l'utilisateur rencontre des problèmes, c'est sans doute en raison de la présence de son bloqueur de publicité. Problèmes qui n'ont bien entendu aucune raison technique, si ce n'est la volonté de l'éditeur de floutter le texte dans ce cas précis.
Cette fois encore, le visiteur est invité à mettre le site sur liste blanche, sans aucune mention de l'offre d'abonnement Premium du site, pourtant renouvelée il y a quelques mois.
Le blocage est encore timide
Mais le GESTE n'a pas défini de règle précise sur la position à adopter et laisse ses membres libres du message et de la stratégie. Le but étant surtout de coordonner la mise en place afin d'éviter que le blocage des uns ne profite pas aux visites des autres. Comme l'IAB l'a encore conseillé récemment avec son initiative D.E.A.L., le point principal est donc de détecter la présence d'un bloqueur de publicité et de réagir.
Le blocage de la visite n'est donc pas systématique, mais c'est le choix de certains. Nous avons déjà évoqué des tentatives isolées comme Voici ou encore Les Échos. L'équipe a ainsi opté pour cette méthode. Le Monde affiche un message similaire mais cela n'est vrai qu'en apparence, puisqu'il est possible de poursuivre sa navigation d'un simple clic.
Sur son message d'information qui s'affiche en plein écran, le site a décidé de mettre en avant Jérôme Fenoglio et ses 400 journalistes qui apportent « chaque jour une information de qualité, fiable, variée ». Cette fois, deux possibilités sont proposées, même si le texte précise que « pour pouvoir continuer à vous proposer des services innovants et performants, nous devons pouvoir compter sur les revenus de la publicité » : ajouter le site en liste blanche ou s'abonner.
Un choix que l'on retrouve assez rarement, mais parfois accompagnée d'une offre spéciale. Le Parisien propose ainsi trois mois d'abonnement pour 1 euro à l'occasion de la mise en place de son blocage « dur ».
Une action coordonnée, mais pas encore de remise en cause profonde du modèle
Ici, il n'est pas question de réduire la pression publicitaire ou de revoir les pratiques, ce qui est une constante dès que l'on aborde le sujet avec les éditeurs. Tous sont conscients du problème sur le fond, du constat, mais dès qu'il est question d'apporter des solutions, c'est le grand silence.
Un problème qui était frappant lors de notre dernière visite à l'IAB à l'occasion de la présentation de l'étude sur les usages des bloqueurs de publicité par les français (nous y reviendrons). Tous les intervenants de la journée étaient ainsi d'accord sur le malaise dans les pratiques du secteur et le besoin d'en changer, mais personne ne semblait vouloir évoquer la stratégie pour s'y mettre.
Cela pourrait néanmoins changer, notamment sous la pression de la CNIL, qui a commencé à mener des enquêtes chez des éditeurs concernant leurs pratiques sur la question des cookies. Reste maintenant à voir qui est réellement concerné, et si cela abouti à une mise en conformité ou à une communication publique.
Imagine, tu es Isabelle Falque-Pierrotin, la dame de fer du Net de la @cnil, et tu vois ça : pic.twitter.com/EU3tm0uiPF
— David Legrand (@davlgd) 1 février 2016
La presse is the new maison de disque
Tout cela ressemble comme deux gouttes d'eau à ce qui avait opposé les maisons de disque ou les éditeurs de jeux vidéo à leur public dans les années 1990/2000, avec une offre légale qui ne correspondait en rien aux nouvelles pratiques, et des acteurs qui ont préféré s'encombrer de DRM et aller au front sur le terrain legislatif et juridique, plutôt que d'être à l'écoute.
Reste maintenant à savoir combien de temps les éditeurs mettront à comprendre que leur pratique est le principal problème à régler, avant de demander un effort à leurs lecteurs. Peut-être alors que la situation pourra réellement s'apaiser. Pourvu que, contraiment à la musique et aux jeux vidéo, cela ne prenne pas une dizaine d'années.
En attendant, la campagne des membres du GESTE devrait s'étendre à un nombre croissant de sites dès aujourd'hui (Les sites d'Europe 1 ou de Clubic et RTL sont aussi concernés par exemple), et durer au moins une bonne semaine. Ensuite, il sera temps de tirer les premières conclusions de cette opération, même si le blocage des bloqueurs peut être simple à contrer et ne va sans doute rien changer au problème des lecteurs et donc à leur mécontentement sur le long terme.
- medias:"QU'EST-CE QUE VOUS VOULEZ?"
— greg ossito (@gregossito) 21 mars 2016
- lectorat:"- DE PUBS!"
- medias:"QUAND?"
- lectorat:"NOW!"
- medias:"D2SACTIVEZ ADBLOCK!"
¯\_(ツ)_/¯