Pour avoir publié deux tweets antisémites, un internaute a été condamné le 9 mars dernier à deux mois de prison ferme. Le casier extrêmement chargé du prévenu a pesé lourd dans la balance, de même que son absence lors du procès.
Les faits remontent à avril 2015. Un twittos diffuse à quelques minutes d’intervalles deux messages sans équivoque : « Les juifs sont les premiers responsables dans le massacre de trente millions de chrétiens en URSS entre 1917 et 1947 », puis « Pas compliqué : tant que vous n’accuserez pas les juifs de leurs innombrables crimes, ce sont eux qui vous accuseront des leurs ». Le 28 mai, la Délégation interministérielle de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (DILCRA), qui dépend de Matignon, dénonce ces tweets au Procureur de la République. Ce dernier confie alors une enquête à la brigade de répression de la délinquance contre les personnes.
Si les conditions d’identification de l’auteur de ces messages demeurent extrêmement floues, la décision du tribunal correctionnel de Paris (accessible via Legalis) indique néanmoins que l’intéressé a été « contacté par mail par les enquêteurs le 18 juin 2015 ». C’est au cours de cet échange que l’internaute a reconnu « avoir été l’auteur de ces propos et les avoir publiés sur son compte Twitter "HR" ».
À partir de ces aveux, les juges n’ont pas eu de mal à reconnaître le twittos coupable de « provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale », ainsi que de « diffamation publique à caractère racial » – deux délits passibles d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende :
« En accusant les juifs d’être responsables du « massacre de trente millions de chrétiens en URSS entre 1917 et 1947 » puis en expliquant cette affirmation par un propos qui incite le lecteur à « accuser les juifs de leurs innombrables crimes », l’auteur formule une accusation généralisée contre les « juifs » et exhorte le public à s’associer à cette accusation. De tels propos, lus dans l’ordre dans lequel ils ont été publiés, tendent à susciter un sentiment de haine ou de rejet à l’égard de la communauté juive, considérée dans son ensemble et sans aucune distinction, au regard de la seule appartenance ethnique, raciale ou religieuse de ses membres » retient le tribunal correctionnel pour juger que le premier délit est constitué.
« Le passage poursuivi du chef de diffamation, qui est le premier message par ordre de mise en ligne (« Les juifs sont les premiers responsables dans le massacre de trente millions de chrétiens en URSS entre 1917 et 1947 »), impute sans réserve aux juifs la responsabilité d’un fait criminel précis, circonscrit dans le temps et déterminé quant au nombre de ses victimes. En outre, l’emploi dans cette phrase du mot « massacre » suppose la commission d’un acte fondamentalement inhumain, qui s’inscrit dans le cadre d’une attaque généralisée et susceptible, comme tel, d’entrer dans une catégorie de crimes réprimés par le droit pénal international. » Pour les juges, l’imputation de ce fait précis et attentatoire à l’honneur et à la considération des juifs relevait bel et bien de la diffamation.
Un jugement rendu par défaut
L’internaute a finalement écopé de deux mois de prison ferme. Il devra en outre verser 2 500 euros à la Licra et à SOS Racisme, qui s’étaient portées parties civiles (1 000 euros de dommages et intérêts, plus 1 500 euros de frais de justice). Le tribunal a enfin ordonné, à titre de réparation complémentaire, la suppression des deux tweets « dans un délai de 8 jours après que le présent jugement sera devenu définitif, sous astreinte de 500 euros par jour de retard après l’expiration de ce délai ».
Alors que ce type d’affaire conduit plus généralement à des peines d’amende ou de prison avec sursis, deux éléments permettent d’expliquer cette condamnation. Premièrement, il s’agit d’un jugement « par défaut », rendu lorsque le prévenu n’a pas reçu la citation à comparaître. Deuxièmement, le casier judiciaire du twittos comptait une dizaine d’inscriptions relatives à des condamnations en correctionnelle, « principalement pour des faits de même nature », ont souligné les magistrats : injures et provocation à la discrimination raciale, menaces de mort commises en raison de l’orientation sexuelle, faits de violence aggravée, etc.