En commission des affaires culturelles, les députés ont adopté l’extension de la redevance copie privée à certains services du cloud, en réécrivant néanmoins le texte adressé par le Sénat.
Hier soir, dans le cadre de l’examen du projet de loi Création, la commission a adopté l’amendement porté par Marcel Rogemont visant à étendre la redevance copie privée à certains NPVR (Network Personnal Video Recorder).
Avec lui, certains services en ligne pourront proposer des capacités d’enregistrement des flux TV et radio, sur des serveurs distants, le tout sous l’égide de l’exception pour copie privée. Cela se fera donc sans aval des titulaires de droit, mais en contrepartie du paiement d’une redevance sans doute supportée par les abonnés de ces magnétoscopes en ligne.
Comme prévu, l’amendement a réécrit la disposition déjà votée au Sénat. Désormais, le texte n’est plus conditionné à la fourniture d’un matériel quelconque ni à une autorisation spéciale du titulaire de droits, deux verrous qui arrangeaient bien Orange et Canal+ mais non Molotov.tv, en plein préparatif du déploiement commercial de sa « box virtuelle » où les abonnés pourront enregistrer les flux TV en cours de diffusion ou à venir sur une centaine de chaînes.
Un amendement cocktail
Le député PS Marcel Rogemont a clairement salué cet amendement coproduit avec le ministère de la Culture. Propos nuancés par Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles : « C'est avant tout une coproduction entre Marcel Rogemont et le cabinet de la ministre. Et si j’ose dire, c’est même que c’est un cocktail entre Marcel Rogemont et Emily Cariou », la conseillère d’Audrey Azoulay, chargée des affaires européennes, internationales et du numérique. Ce fameux « cocktail » n’a trompé personne tant la référence à l’offre de Molotov.tv, le service créé par Pierre Lescure et Jean-David Blanc, cofondateur d’Allociné, plane sur ce texte.
Faisant état des rencontres récentes organisées au ministère de la Culture, Audrey Azoulay a garanti que la disposition avait le soutien des télécoms, des chaînes de télévision et des ayants droit. On notera néanmoins l’absence des consommateurs, pourtant bien concernés par ces problématiques, tout comme le silence sur les critiques adressées par TF1 et M6...
S'adapter aux usages sans étude d'usage
Hier soir, encore, le rang des opposants était trop clairsemé pour espérer une mise en échec. Lionel Tardy a bien condamné une législation qui avance à l’aveugle, démunie de la moindre étude d’usage préalable. « Nous n’avons pas assez d’informations pour adopter cette extension qui pose plus de problèmes qu’elle n’en résout » a ajouté Isabelle Attard, caressant le rêve de remplacer cette brèche par une licence globale « qui financerait l’ensemble des créateurs ». Mais en vain...
A l'occasion de ce vote favorable, Patrick Bloche l’a reconnu lui-même : « Nous ne disposons d’aucune étude d’impact. Il faut que notre main tremble ». « C’est une question très délicate, a enchaîné la ministre de la Culture, puisqu’on a un équilibre à trouver entre un système de droit exclusif et une rémunération pour copie privée avec des usages qui se modifient. »
Pour la locataire de la Rue de Valois, cependant, même démuni d’une telle étude préalable, le temps est venu de décloisonner la redevance copie privée des seuls supports : « On ne peut pas fermer les yeux (...) sur la nécessité d’être neutre par rapport aux évolutions technologiques ». Et, s’adressant aux producteurs de cinéma, elle s’est voulue rassurante : cette disposition ne serait pas le « cheval de Troie d’une diminution des droits exclusifs ».
Et pour cause, dans l'amendement Rogemont, seuls les éditeurs et distributeurs de services de TV et radio au sens de la loi de 1996, et donc sous contrôle du CSA, pourront en bénéficier. « Le risque de voir prospérer d’autres services de copie en ligne est donc nul », notamment du côté des GAFA, a insisté le député d'Ille-et-Vilaine.