En 2015, le streaming a porté le marché de la musique sans le sauver

Le marché les pieds dans l'eau
Internet 5 min
En 2015, le streaming a porté le marché de la musique sans le sauver
Crédits : ocean yamaha (CC BY-ND 2.0)

Le marché français de la musique continue sa chute. Sa valeur a reculé de 4,7 % en 2015, à cause de la baisse combinée des achats physiques et du téléchargement à l'acte. Ces baisses sont à peine compensées par la forte progression du streaming, promis comme l'avenir du secteur, mais qui ne convainc pas encore financièrement.

Hier, le SNEP a publié son bilan 2015 du marché de la musique. Une nouvelle fois, la star du secteur est le streaming, considéré par les professionnels comme son avenir. La France compte désormais trois millions d'abonnés à une offre de streaming, qui « s’affirme comme le moteur de croissance de la musique enregistrée ». En l'espace de cinq ans, ce mode de consommation est passé de 4 % des revenus du secteur à 25 %, avec une progression toujours importante en 2015. Ses revenus ont même passé le cap symbolique des 100 millions d'euros, en hausse de 45 % par rapport à 2014.

Un marché de la musique toujours en recul

En fait, cette bonne santé est entièrement portée par les abonnements, dont les revenus ont bondi de 71 % sur l'année. Ils représentent 79 % de ceux du streaming et plus de la moitié du chiffre d'affaires numérique du secteur. Le numérique représente donc plus d'un tiers de leurs recettes (36 %), contre 29 % en 2014. Cette nouvelle importance de l'écoute par abonnement est d'ailleurs aidée par la baisse de tous les autres modes de consommation.

Globalement, le chiffre d'affaires de la musique a encore baissé de 4,7 % cette année, voire de 7 % en excluant les droits voisins. Il est passé de 458 millions d'euros en 2014 à 426 millions en 2015. Les ventes physiques, qui représentent encore près des deux tiers des ressources des labels, se sont encore effondrées de 15,9 % l'an dernier. Seul le vinyle a progressé, même s'il reste marginal, avec 750 000 disques vendus, soit 2 % du volume du marché. Le téléchargement à l'acte, lui, a encore baissé de 20,5 % en valeur. Les revenus numériques n'ont donc progressé de 15 % que grâce au streaming payant.

Pour référence, il s'est vendu environ 68 millions de titres et albums en physique et téléchargement en 2015, contre près de 18 milliards d'écoutes en streaming. Malgré des volumes astronomiques, le streaming génère toujours à peine 25 % des recettes du marché.

Le problème du streaming gratuit

Ledit marché doit d'ailleurs faire face à un autre souci. Si le streaming est la planche de salut espérée de la musique, tous les indicateurs ne sont pas au vert. Les revenus de l'écoute gratuite, financée par la publicité, ont baissé de 8 % sur l'année. Cette baisse peut sûrement s'expliquer par la conversion d'utilisateurs « gratuits » en abonnés payants, mais elle dénote dans un discours qui se veut purement positif sur ce mode de consommation.

Le décalage le plus flagrant serait lié à YouTube, qui concentre 65 % des écoutes en streaming pour à peine 10 % des revenus, selon le SNEP cité par Les Échos. Le service est accusé par les labels de ne pas rémunérer assez, en comparaison du nombre de vidéos vues sur son service. Selon le syndicat, un utilisateur de YouTube rapportait trois fois moins qu'un utilisateur gratuit d'un autre service (comme Deezer ou Spotify) et 54 fois moins qu'un abonné payant.

Le secteur veut donc appeler Google à sa responsabilité présumée, celle de mieux financer le contenu qui lui apporte tant de trafic. Le SNEP vante d'ailleurs le nombre de notifications pour « piratage », qui a augmenté de 60 % l'an passé, pour atteindre 558 millions. Cela alors que la plateforme compte justement lutter contre les abus des ayants droit en la matière.

La répartition des revenus en question

À mesure que le streaming gagne en poids, le secteur donne plus d'importance à ses acteurs. Pour 2016, l'un des enjeux affirmés du SNEP est d'instaurer « des relations plus équitables entre producteurs et certaines plateformes ». L'industrie française de la musique veut aussi « poursuivre la dynamique des accords Schwartz » signés en octobre, pour un développement « équitable » de la musique en ligne.

Le texte avait tout de même été dénoncé par des associations d'artistes, parlant de « désastre » pour ceux-ci. Le streaming est l'un des derniers champs de bataille en date entre labels et artistes-interprètes, avant tout sur la répartition des gains. La présentation du bilan du SNEP a d'ailleurs été une nouvelle occasion de réagir pour l'ADAMI, qui estime toujours que les artistes sont lésés par le fonctionnement actuel du streaming.

La perénité du streaming encore à déterminer

Il reste surtout la question de la pérennité des abonnements et des services. Alors qu'Apple et Google proposent leurs propres services, grappillant des exclusivités pour tenter d'attirer les utilisateurs, la santé de ces plateformes n'est pas assurée. Quand le suédois Spotify ne publie pas ses comptes, Deezer a lui raté son introduction en bourse, pour lever 100 millions d'euros auprès d'Orange et Warner quelques mois plus tard. L'entreprise n'est pas encore rentable. De son côté, Qobuz a fini 2015 sur un redressement judiciaire, pour être repris par Xandrie (voir notre entretien), qui compte injecter une dizaine de millions d'euros sur cinq ans pour soutenir son développement.

De même, le marché français a été fortement marqué par l'inclusion passée des offres Deezer dans les forfaits d'Orange. La bonne santé actuelle des abonnements s'explique-t-elle encore par les « bundles » de services de musique avec les forfaits mobiles ? La question reste entière, les labels refusant d'y répondre, note Electron Libre, qui estime tout de même que plus de 60 % des abonnements aux services de streaming en France proviennent de ces formules.

En attendant, le secteur déploie de larges efforts pour encourager l'écoute par abonnement. Ce début d'année, l'association américaine de l'industrie, la RIAA, a officiellement commencé à intégrer le streaming dans les ventes d'albums, donc les récompenses, à raison de 150 écoutes pour une vente de morceau et 1 500 pour un album. La même prise en compte doit arriver cette année en France.

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