Dans l’affaire qui oppose Apple au FBI, la communication joue une part importante. La Silicon Valley soutient massivement Apple, mais le grand public se range pour l’instant du côté de l’agence. John Miller, responsable de l’unité antiterroriste de New York, en est pour sa part convaincu : Apple aide les criminels.
Le FBI est en possession depuis début décembre d’un iPhone 5c verrouillé. Les enquêteurs tiennent à en extraire les données car il appartenait à Syed Rizwan Farook, l’auteur de la fusillade de San Bernardino, qui a fait 14 morts et 21 blessés. Problème, ces données sont chiffrées. Le FBI ne peut pas les récupérer à moins de posséder le code de verrouillage à quatre chiffres, un élément composant la clé de chiffrement dans iOS 8.
Le chiffrement sur la sellette
Pour passer outre cette protection, l’agence a demandé à Apple de développer un outil interne capable de tester toutes les combinaisons, sans délai entre deux essais. Le FBI ne réclame pas un outil pour son propre usage, mais bien une solution qui resterait dans l’enceinte d’Apple, qui réceptionnerait alors l’appareil pour en exfiltrer les précieuses informations. Mais l’entreprise refuse.
Apple craint l’établissement d’un précédent qui provoquerait l’envoi systématique de tous les iPhone impliqués dans des enquêtes. Accepter la demande reviendrait à briser ses propres protections. En outre, le FBI s’est servi d’une ancienne loi (All Writs Act) pour obtenir une ordonnance d’un tribunal. Un mouvement très critiqué par l’entreprise, qui estime que le FBI fait une interprétation beaucoup trop large du texte. Accepter reviendrait à éroder la confiance des utilisateurs, avec un impact négatif sur le chiffre d’affaires, normalement une limite dans l’application de la loi. Un juge de New York a d’ailleurs donné raison à la société dans une autre affaire.
Apple empêche les enquêtes d'avancer
Mais pendant qu’Apple, le FBI et autres débattent de la grande thématique du chiffrement devant le Congrès américain, la guerre de communication bat son plein. La firme a ainsi publié une longue liste de soutiens divers, allant des entreprises aux associations de défense des libertés civiles et de la vie privée. Pour autant, et jusqu’à présent, l’opinion publique soutient plutôt le FBI : une entreprise ne devrait pas être en capacité de bloquer une enquête.
L’affrontement jette une lumière crue sur l’une des grandes zones d’ombre actuelles : comment placer le curseur entre la vie privée et la sécurité ? Le chiffrement est constamment mis en balance dans cette équation qui n’a aucune solution, les législations en vigueur aux États-Unis n’y répondant pas. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à donner un avis tout aussi direct sur la situation.
C’est le cas de John Miller, responsable de l’unité antiterroriste de New York. Interrogé dans le cadre d’une émission de radio, il a accusé Apple « d’aider les kidnappeurs, les voleurs et les meurtriers ». Pourquoi ? Parce que l’entreprise n’assouplit pas sa position et ne fournit pas directement une solution qui permettrait dès le début aux forces de l’ordre de faire leur travail. La généralisation du chiffrement ralentit, voire bloque les enquêtes, aboutissant à l’actuelle situation.
175 iPhone impliqués dans le seul district de Manhattan
Il a cité les propos d’un criminel enfermé à la prison de Riker’s Island (la plus grande de New York, la deuxième plus grande des Etats-Unis), lors d’un échange avec un tiers hors du pays : « Vous devez mettre iOS 8. C’est un don de Dieu, parce que les flics ne peuvent pas le pirater ». Selon Re/code, la même anecdote a été portée à l’attention du Congrès lors de l’audition de Cyrus Vance Jr, procureur de Manhattan. Il a ajouté que ses services cumulaient à ce jour 175 iPhone verrouillés de cette manière, les enquêtes des derniers mois ayant a priori montré qu’un iPhone sur deux posait problème.
Apple, de son côté, continue d’indiquer qu’une équipe entière est dédiée à l’aide à fournir aux forces de l’ordre. Toutes les demandes ou presque ont à ce jour été satisfaites, mais la dernière en date du FBI va cette fois trop loin selon elle. Dans sa lettre ouverte, le PDG Tim Cook indiquait que s’opposer à l’ordonnance du tribunal n’était pas quelque chose que la firme « prenait à la légère », et qu’il était pour elle de se dresser contre ce qu’elle considérait « un abus du gouvernement ».