De nombreuses évolutions de la 4G se préparent doucement. Le MWC de Barcelone était l'occasion de faire le point sur ces nouveautés et aussi de mesurer l'engouement des différents acteurs du marché pour la LTE-U, LAA, eLAA, LWA, LTE Broadcast, etc.
Alors qu'elle n'arrivera pas avant l'horizon 2020 et que les travaux de normalisation n'ont même pas encore été terminés, la 5G était omniprésente au MWC de Barcelone. Opérateurs, équipementiers réseau et fabricants de smartphones étalaient à tour de bras leurs nouveautés ainsi que leurs expérimentations.
Mais la 4G n'a pas dit son dernier mot et plusieurs évolutions de cette technologie étaient présentées par certains acteurs du marché, notamment sur l'utilisation de bandes de fréquences non licenciées.
LTE-U, (e)LAA, LWA : tour d'horizon des évolutions de la 4G
Commençons par quelques présentations. La LTE-U (ou LTE Unlicensed spectrum) utilise des bandes de fréquences non licenciées (5 GHz, comme le Wi-Fi par exemple) pour améliorer les débits en téléchargement avec de l'agrégation de liens. Un principe de fonctionnement qui est identique à celui de la 4G+ qui exploite plusieurs bandes pour multiplier les débits (800, 1800 et 2600 MHz en France). Intégrée dans la release 12 de la 3GPP qui a été publiée en mars 2015, cette technologie est utilisée dans certains pays, dont les États-Unis, mais pas en Europe.
Sur le vieux continent, la LAA (Licensed Assisted Access) lui a été préférée. Celle-ci a été mise en place par la release 13 de la 3GPP (déjà finalisée et publiée dans le courant du mois) et propose une différence notable : le LBT (Listen Before Talk). Comme son nom l'indique, il s'agit d'analyser l'occupation du réseau afin d'utiliser un spectre qui n'est pas encombré. Pour le reste, c'est la même chose. Toujours dans la release 13 de la 3GPP, il est également question de la technologie LWA qui permet d'agréger du Wi-Fi et de la 4G pour booster les débits.
Que ce soit pour la LTE-U ou la LAA, seul le téléchargement des données peut profiter de débits améliorés grâce à l'agrégation de lien entre 4G sur les bandes licenciées et non licenciées. Une évolution est d'ores et déjà sur les rails avec l'eLAA pour « enhanced LAA ». Cette fois, l'upload peut également profiter de l'agrégation de liens, mais il faudra encore être patient car cette fonctionnalité n'arrivera qu'avec la release 14 de la 3GPP, attendue pour juin 2017.
French Tech : LTE Broadcast et Licensed Shared Access
Sur les stands de la French Tech, deux sociétés présentaient leurs savoir-faire sur la 4G : Enesys Technologies et Red Technologies. La première est spécialisée dans le LTE Broadcast, qui permet de diffuser à tous les utilisateurs des données de manière simultanée.
Au lieu de faire du ciblage terminal par terminal, tout le monde reçoit des données. Pratique par exemple lorsqu'il s'agit de diffuser une vidéo en direct à toute une assemblée, mais moins lorsque chacun demande des contenus différents. Enesys Technologies a néanmoins quelques idées en tête pour pousser le LTE Broadcast : télécharger automatiquement certaines vidéos, par exemple avec un système capable de détecter celles qui deviendront virales. Via LTE Broadcast, elle est préchargée sur les smartphones puis lue comme si elle venait d'être téléchargée lorsque l'utilisateur en fait la demande.
De son côté, Red Technologies faisait la démonstration du LSA (Licensed Shared Access), une technique qui permet de partager des bandes licenciées entre plusieurs services. En France, la société nous explique par exemple que les bandes de fréquences normalement réservées aux militaires pourraient être ouvertes (sous conditions évidemment) à des opérateurs, avec un système qui permet d'éviter toutes interférences.
En cas de besoins, l'armée a la possibilité de récupérer totalement l'usage du spectre (en quelques minutes seulement). Pour les opérateurs, cela permet d'acheter des bandes de fréquences à un moindre coût (puisqu'elles sont partagées) et, pourquoi pas, de permettre à de nouveaux acteurs de se lancer dans l'aventure. Un des représentants de Red Technologie nous explique travailler avec un MVNO européen qui souhaiterait disposer de ses propres bandes de fréquences.
Bref, même si la 5G est sur toutes les lèvres, la 4G a encore bien des ressources afin de tenir le choc durant les prochaines années. Mais il ne s'agit ici que de la théorie. Le salon de Barcelone était aussi l'occasion de prendre la température afin de voir comment ce genre de technologies étaient mises en avant par les fabricants et les opérateurs.
Qualcomm assure le show...
Le constructeur qui mise le plus sur ces technologies est sans aucun doute Qualcomm. Sur son stand, on pouvait en effet voir des démonstrations de LTE-U, de LAA, d'eLAA et de bien d'autres encore. Pour rappel, le modem Snapdragon X12 est le premier du fabricant à prendre en charge la LTE-U. Celui-ci est intégré au Snapdragon 820, une des stars du MWC puisqu'on le retrouve notamment dans les LG G5, Xiaomi Mi 5 et certaines versions du Galaxy S7 (Edge).
Ceci dit, la relève est déjà en marche avec le tout nouveau modem Snapdragon X16 qui supporte également le LTE-U, ainsi que le LAA pour l'Europe. Il faudra par contre être patient puisque sa commercialisation n'est prévue que pour le deuxième trimestre de l'année.
Des démonstrations de la technologie eLAA (avec agrégation de fréquences sans licence pour le téléchargement et l'envoi) étaient également de la partie, mais uniquement avec des prototypes. Le fabricant n'a pour le moment pas pu nous donner de date pour l'arrivée de cette technologie dans des modems. Il faudra de toute façon probablement attendre la publication de la release 14 de la 3GPP.
MulteFire : de la 4G uniquement dans des bandes non licenciées
La société ne compte pourtant pas en rester là et pourrait même se passer d'un opérateur à l'avenir avec MulteFire, une technologie poussée par Ericsson, Intel, Nokia et Qualcomm.
Le fabricant explique en effet que « sa technologie, basée sur le LTE, ne fonctionne que dans le spectre non licencié et ne nécessite pas une « ancre » dans les fréquences licenciées ». Ce dernier point est le plus important, car pour LTE-U, LAA ou eLAA, il est nécessaire d'avoir un point d'ancrage sur un réseau 4G d'un opérateur sur des bandes de fréquences sous licences (800, 1 800 ou 2 600 pour la France par exemple).
Qualcomm explique que cette technologie pourrait intéresser les sociétés comme les fournisseurs de services Internet et les entreprises qui n'ont pas de licence pour utiliser des fréquences. Cela pourrait également intéresser les opérateurs, qui pourraient décharger une partie de leur réseau. « Le but ultime de MulteFire est d'assurer la meilleure expérience utilisateur possible lors d'un accès à Internet sans fils ou d'un appel vidéo/audio, en particulier dans des environnements hyperdenses ».
... quand Intel se contente du minimum
De son côté, Intel était plus discret sur cette technologie. Sur le stand du fondeur, un seul petit présentoir était destiné à une démonstration de la technologie LAA. Le constructeur nous précisait qu'il ne s'agissait pour le moment que d'un prototype, dont la date de commercialisation n'était pas encore connue.
Interrogé par nos soins sur la prise en charge de l'eLAA, le constructeur a simplement répondu que c'était dans la roadmap, mais qu'il attendait la release 14 de la 3GPP. Bref, Intel suit les évolutions d'un coin de l'œil, mais sans vraiment s'investir outre mesure.
Il en était autrement sur la 5G, largement mise en avant par la société. Toujours en difficulté sur le mobile et son offre 4G, elle ne compte visiblement pas se laisser faire sur la 5G. En attendant, le géant américain a annoncé un nouveau modem à l'occasion du MWC : le XMM7480.
Celui-ci annonce la possibilité d'une agrégation de quatre liens, mais des débits de seulement 450/150 Mb/s. Interrogé sur l'absence d'un débit supérieur, la marque nous a indiqué que ce modem « correspond au besoin de ses partenaires/clients » et qu'un tel débit est considéré comme « suffisant pour la très grande majorité des usages ».
Calme plat chez les opérateurs, qui préfèrent vanter la 5G
Le salon de Barcelone était aussi l'occasion de mesurer l'appétence de chacun afin de voir comment ce genre de technologies étaient mises en avant. Du côté des opérateurs français, la tournée était rapide puisque seul Orange était présent sur le salon (il faut dire que c'est le seul qui assure une large présence au niveau européen). Sur son stand, il était évidemment question de 5G, de son nouveau smartphone Neva 80 qui prend en charge la VoWiFi, VoLTE et Orange Cash, mais rien d'autre sur la 4G.
Nous avons tout de même pu nous entretenir avec des représentants de la marque qui nous expliquait que la technologie LAA était certes une intéressante, mais que pour le moment ses équipes techniques se focalisaient sur le déploiement de la 4G afin d'assurer une couverture sur l'ensemble du territoire. Une fois que ce sera fait, il sera alors temps de passer à la suite.
On pourra simplement rappeler que l'opérateur avait expérimenté en 2014 de la 4G Broadcast à l'occasion de Roland Garros. Depuis, rien ne semble avoir bougé. Les choses évolueront probablement d'elle même si les réseaux devaient commencer à s'encombrer à cause d'une trop grosse consommation de données de la part des utilisateurs. Selon le représentant d'Enesys Technologies au MWC de Barcelone, cela pourrait arriver plus rapidement que prévu. Affaire à suivre.
Du côté des autres gros opérateurs européens (T-Mobile et Telefonica par exemple), la situation était plus ou moins la même : la 5G était présente partout, mais rien de bien concret concernant la LTE-U/LAA alors que ces technologies sont dès à présent disponibles. Chez T-Mobile, c'était d'ailleurs un peu l'étonnement quand on a essayé de parler 4G avec des représentants de la marque. « C'est fini la 4G » nous lançait-on avec humour, « place à la 5G maintenant ».