La cour d’appel de Chambéry a jugé la semaine dernière que le fait de publier quotidiennement quatre tweets depuis son lieu de travail – à raison d’une minute environ par message – ne constituait pas une faute susceptible de licenciement.
Avec le développement d’Internet et des smartphones, il est devenu très tentant pour le salarié de consulter les réseaux sociaux pendant son temps de travail – voire d’aller jusqu’à publier discrètement quelques tweets... Mais que risque-t-on ? Si les juridictions françaises se sont jusqu’ici beaucoup penchées sur le cas de Facebook, qui a pour particularité d’être généralement considéré – en fonction du paramétrage des comptes – comme un espace privé, rares sont les magistrats à avoir examiné une affaire traitant de l’usage de Twitter, dont les messages sont publics par défaut.
Au travers d’un arrêt cité par le juriste Benoît Tabaka, la cour d’appel de Chambéry a toutefois été amenée à se prononcer le 25 février dernier sur un litige impliquant le site de micro-blogging. Dans cette affaire, un directeur web analytics avait été licencié pour faute grave après que son employeur a découvert la publication de 1 336 tweets (sur une période d’un an et demi), et ce pour le compte d’une société tierce dont le salarié était actionnaire...
Aux yeux du chef d’entreprise, ce manquement à l’obligation de loyauté de Monsieur X justifiait « à lui seul » la mise à la porte du salarié sans préavis ni indemnité de licenciement, le temps passé sur le réseau social représentant selon lui « plusieurs dizaines d'heures de travail ».
1 336 tweets sur un an et demi, soit un peu moins de 4 tweets par jour travaillé
Les magistrats de Chambéry n’ont cependant pas eu la même analyse... Ils ont commencé par dégainer leur calculatrice : « Nonobstant l'absence d'horaire d'envoi des tweets il apparaît, à supposer dans une estimation particulièrement large que chaque envoi ait requis un temps de 1 minute, que l'envoi de l'ensemble des 1 336 messages correspond en moyenne à moins de 4 minutes par jour au cours des semaines où Monsieur X travaillait 5 jours (...), et ce en tenant compte des congés du salarié ».
Or, pour la cour d’appel, le fait d’avoir « pu consacrer un temps aussi limité à l'envoi de tweets non professionnels, y compris à des horaires communément retenus comme travaillés (...) ne peut être retenu comme fautif ». La juridiction souligne au passage que l’employeur ne démontre même pas que les tweets ont été publiés pendant le temps de travail du salarié (son contrat de travail ne précisait pas ses horaires).
Le fin mot de l’histoire ? Comme toujours dans ce genre d’affaire, tout dépend si le salarié a abusé de son droit, « même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée » (ce qui peut se matérialiser par du surf « perso »)... Ce qui n’était pas le cas ici aux yeux des juges. Ceux-ci ont néanmoins estimé que le licenciement reposait sur une « cause réelle et sérieuse », d’autres reproches – considérés quant à eux comme parfaitement fondés – ayant été formulés à l’encontre de Monsieur X. Ce dernier a néanmoins obtenu plus de 17 000 euros d’indemnités diverses, notamment au titre de la compensation de préavis.