Le projet de loi sur la réforme pénale poursuit son examen à l’Assemblée nationale. L’épisode a été jugé suffisamment opportun par certains députés pour pérenniser le blocage administratif version état d’urgence, nettement moins encadré que celui de la loi contre le terrorisme.
Éric Ciotti, et une petite cohorte de députés LR ne veulent pas simplement s’attaquer au chiffrement, ils veulent également revoir le mécanisme de blocage des sites. Dans un amendement au PJL sur la réforme pénale , ils proposent en effet que :
« Le ministre de l'Intérieur peut prendre toute mesure pour assurer l'interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie. »
Dans l’exposé des motifs, les parlementaires décrivent l’objectif de leur rustine parlementaire : « permettre au ministre de l’Intérieur de bloquer tout site internet sans délai, y compris les réseaux sociaux, provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie. »
Les textes actuels permettent déjà de bloquer les réseaux sociaux, simplement la mesure n’est et ne sera jamais mise en œuvre puisqu’elle sera jugée sans mal disproportionnée par un tribunal français ou européen. Le fait plus intéressant à noter ici est que l’amendement Ciotti pompe littéralement une disposition de la loi sur l’état d’urgence de 1955 qu’il entend pérenniser hors de cette période. Alors même que cette procédure n’est pas appliquée…
Une disposition pompée sur la loi sur l'état d'urgence
Explication : après les attentats du Bataclan, la loi du 20 novembre 2015 a modifié celle de 1955, pour prévoir que « le ministre de l'Intérieur peut prendre toute mesure pour assurer l'interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie ». Soit très exactement l’amendement déposé dans le cadre du projet de loi Urvoas.
Seulement, cette procédure n’a fait l’objet d’aucune utilisation comme on a pu le découvrir début 2016. Et pour cause : aujourd’hui, une autre procédure de blocage administratif existe depuis la loi contre le terrorisme de 2014. Outre des délais précis, cette dernière encadre le blocage administratif décidé par le ministère de l’Intérieur par l’intervention d’une personnalité qualifiée désignée par la CNIL. On notera surtout que ces petites garanties agacent les députés LR qui voudraient ainsi confier les pleins pouvoirs à la Place Beauvau.
Le délit de consultation habituelle de sites d'apologie du terrorisme
D’autres amendements sont à relever comme le 105 ou 297, où les mêmes députés LR reviennent à la charge pour implanter en France le délit de consultation de site terroriste. Cette consultation serait punie de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende si elle est « habituelle » sur un site « mettant à disposition des messages, soit provoquant directement à des actes de terrorisme, soit faisant l’apologie de ces actes » en diffusant des images d’atteintes volontaires à la vie. Bien entendu, il n'y a toujours aucun détail sur la façon dont serait qualifié le caractère habituel d'une consultation... Cette disposition, inspirée par Nicolas Sarkozy, a aussi été calquée sur un article de la proposition de loi LR contre le terrorisme, adoptée voilà peu au Sénat.
Le délit de consultation contamine également les esprits des députés socialistes tels Jean-Luc Laurent et Christian Hutin qui proposent pour leur part six mois d’emprisonnement et 5 000 € d’amende…