À l’appui d’un amendement déposé sur le dernier projet de loi anti-terroriste, le député socialiste Luc Belot veut que les opérateurs de téléphonie mobile puissent être tenus d’avertir leurs abonnés présents dans certaines zones de l’imminence d’un attentat ou d’une catastrophe naturelle. Explications.
Ce n’est un secret pour personne : un téléphone allumé peut être géolocalisé en temps réel par les opérateurs, à partir des antennes relais auxquels l’appareil se connecte pour accéder au réseau. Il y a trois ans, des députés de l’opposition avaient ainsi proposé de mettre à contribution SFR, Orange et Free – pour ne citer qu’eux – afin de comptabiliser le nombre de manifestants opposés au mariage pour tous... C’est toutefois pour un objectif bien plus important que le député Luc Belot souhaite aujourd’hui recourir à ces intermédiaires.
Des SMS d’avertissement localisés
« Les attentats de janvier et novembre 2015 ont fait apparaître la nécessité de prévenir en temps réel la population de l’imminence d’un danger ou d’un péril, soutient le rapporteur du projet de loi Numérique. Il peut en être de même pour des catastrophes naturelles. » L’élu estime qu’il faut par conséquent « adapter le droit » pour que les opérateurs, qui « ont aujourd’hui la faculté de prévenir (...) leurs abonnés, en temps réel et dans une zone déterminée », puissent « progresser dans cette voie susceptible de sauver des vies ».
L’idée ? Avertir par SMS les abonnés proches par exemple d’une ville ou d’un lieu public (Stade de France, Bataclan...) de « l’imminence d’un péril » dans cette zone. Actuellement, les opérateurs sont d’ores et déjà tenus de transmettre les « communications des pouvoirs publics » destinées à prévenir la population « de dangers imminents ou atténuer les effets de catastrophes majeures ». Une mesure jamais mise en œuvre − à notre connaissance.
Luc Belot propose que cet acheminement se fasse dorénavant « vers l’ensemble des utilisateurs sur une zone géographique déterminée », ce qui permettra de cibler les destinataires du SMS. Soit la menace est globale, auquel cas tous les abonnés Français seront avertis. Soit celle-ci est locale, et les opérateurs seront chargés de ne prévenir que leurs clients situés dans la zone potentiellement dangereuse.
Le ministère de l’Intérieur planche déjà sur un tel dispositif
S’il faudra attendre les prochains jours pour que l’Assemblée nationale examine cet amendement (les débats devraient durer jusqu’à vendredi), signalons qu’un rapport sénatorial paru en juin dernier à propos de la tempête Xynthia expliquait que le ministère de l’Intérieur travaillait d'ores et déjà « à la possibilité d'envoyer un SMS d'alerte à l'ensemble d'une population située sur un territoire menacé par un risque, du seul fait de sa géolocalisation » :
« Il s'agirait de ne pas transiter par le canal traditionnel d'envoi des SMS et des communications, mais par le réseau « technique », permettant en temps normal au téléphone portable de communiquer avec l'antenne relais pour se connecter et se déconnecter en passant à l'antenne suivante. Ce système, appelé selfbroadcasting, existe déjà dans certains pays, comme les Pays-Bas ou Israël, et présente un triple avantage :
- il n'y a pas de problèmes de saturation ;
- ce canal ne peut pas être désactivé par l'utilisateur ;
- le téléphone éteint est automatiquement rallumé pour transmettre le message.
Selon les informations transmises à votre délégation, le ministère de l'Intérieur s'est récemment rapproché du ministère de l'Économie et du Numérique, afin d'envisager la mise en place d'une inspection interministérielle sur la faisabilité et les conditions du déploiement de cette technique en France. »