Hier, quatre mois après une décision similaire, le tribunal administratif de Paris a une nouvelle fois ordonné la réintégration d’Éric Walter, l’ancien secrétaire général qui fut licencié par la Hadopi en juillet 2015. Résumé des épisodes précédents et explications de cette décision.
E01S01 : Licenciement pour insuffisance professionnelle
Le 1er août 2015, celui qui fut secrétaire général de la haute autorité depuis ses lointaines origines avait été licencié pour « insuffisance professionnelle ». Cette décision marquait un changement de climat important dans les relations entre le SG de la Hadopi et les présidentes du Collège et de la Commission de protection des droits, respectivement Marie-Françoise Marais et Mireille Imbert-Quaretta.
Selon l’avocat du remercié, cette dernière aurait très mal vécu le diagnostic de l’ensemble des services entrepris par Walter quelques mois plus tôt, vécu comme une intrusion sur ses plates-bandes. La guerre ouverte avec les ayants droit de l’audiovisuel sur le front de la rémunération proportionnelle au partage, une idée portée par Walter, n’arrangeait évidemment rien à rien…
E02S01 : Suspension du licenciement, réintégration
Malheureusement pour les deux têtes de la Hadopi, l’ex-secrétaire général obtenait la suspension de cette décision devant le tribunal administratif. Ce 16 octobre 2015, le magistrat ordonnait sa réintégration dans un délai d’un mois, estimant que la haute autorité avait commis une erreur d’appréciation.
E03S01 : Suspension de la réintégration
Quelques semaines plus tard, peu avant sa conférence de presse annuelle, la Haute autorité trouvait une nouvelle piste pour éviter son retour. Dopée à la riposte graduée, elle attaquait l’ordonnance de réintégration devant le Conseil d’État. Le pourvoi n’étant pas suspensif, elle adressait à Éric Walter le 16 novembre deux courriers : le premier pour lui annoncer son retour, le second pour lui dire qu’il était malgré tout immédiatement suspendu. En parallèle, l’autorité préparait une procédure au pénal...
E04S01 : Licenciement pour vol de document
Le 7 décembre, Éric Walter fut donc convoqué à un nouvel entretien préalable à un licenciement, confirmé quelques jours plus tard. Il est fait état d’un « vol de documents » qui aurait eu lieu le 31 juillet, la veille de son premier licenciement, sans qu’on ait alors de quelconques autres détails. Ce dossier fut en tout cas ficelé en toute vitesse par les deux présidentes du collège, qui consommaient leurs derniers jours à la tête de la Hadopi, après six années de mandat.
E01S02 : Nouvelle suspension du licenciement, réintégration
2016, le paysage change : Fleur Pellerin a laissé sa place à Audrey Azoulay au ministère de la Culture. De son côté, Christian Phéline est élu président du collège, en attendant la nomination de celui de la CPD. Éric Walter poursuit de son côté sa lutte : il attaque le second licenciement en référé-suspension, toujours devant le tribunal administratif de Paris. Et obtient encore gain de cause.
L’ordonnance rendue hier révèle les détails : la Hadopi reproche à Éric Walter d’avoir « dès le 31 juillet 2015 transféré dans sa propre boîte-mail des documents de Mme X., sans autorisation de celle-ci, relatifs à son licenciement ». Pour ce transfert de mails, la haute autorité fait état d’une brochette d’infractions : « vol de documents, détournement de correspondance et manquement à ses devoirs d’exemplarité en tant que secrétaire général. »
En face, l’avocat de Walter conteste. Il reconnaît certes une « consultation de messagerie électronique », mais sur « un ordinateur ouvert et non verrouillé dans un lieu de passage, avec transfert fortuit sur la boîte personnelle de l’intéressé et en l’absence de toute fraude intentionnelle ». Il souligne que les messages concernés n’étaient pas privés, qu’il s’agissait pour le secrétaire général d’assurer l’exercice des droits de la défense, jugeant en outre un peu curieux que « les faits reprochés qui remontent au début d’août 2015 [n’aient] été invoqués que le 16 novembre 2015. »
Dans sa décision, le président a suivi Walter. Il émet cette fois « un doute sérieux quant à la légalité » du second licenciement, tout en confirmant l’existence d’une situation d’urgence : la « très importante réduction prévisible de son train de vie [d’Éric Walter] au regard de l’existence de frais incompressibles de loyers et d’emprunts ». Bref, les conditions du référé-suspension sont remplies : il ordonne donc la réintégration d’Éric Walter dans le mois, sans prononcer d’astreinte, mais en condamnant la Hadopi à 1 500 euros pour couvrir les frais exposés.
Les suites (E02S02) reviennent désormais à Christian Phéline et au collège, avec une alternative simple : la continuité de la stratégie MIQ-MFM ou bien un nouveau cap.