La Commission européenne vient de publier la nouvelle édition de son indice sur la société et l'économie numérique. Alors qu'elle était en milieu de classement l'an dernier, la France passe ici à la 16e place. En cause, une stagnation dans les usages et les réseaux, là où d'autres ont bien plus progressé.
Où se situe la France en Europe en matière de numérique ? Moins haut que l'an dernier, selon l'édition 2016 de l'indice sur la société et l'économie numérique (DESI) de la Commission européenne, publié cette nuit. « Il en ressort que les États membres ont accompli des progrès dans des domaines tels que la connectivité, les compétences numériques ou les services publics » résume la Commission, qui note tout de même « un ralentissement » de ces progrès.
Le tableau est contrasté selon les sujets. Côté connectivité, « 71 % des foyers européens ont accès au haut débit très rapide (au moins 30 Mb/s) contre 62 % l'année dernière » se félicite la Commission, qui estime que « l'UE est en bonne voie pour parvenir à une couverture totale d'ici à 2020 ». Il est moins réjouissant sur les compétences numériques, 45 % des Européens étant dépourvus des basiques. 65 % d'entre eux achètent tout de même en ligne, tandis qu'à peine 16 % des PME vendent par ce biais. Enfin, l'usage des services publics en ligne n'augmente pas, alors qu'ils sont de plus en plus nombreux.
Un haut de classement qui ne bouge pas
L'indice numérique global de l'Union européenne est passé à 0,52 sur 1, contre 0,5 un an plus tôt. Une progression timide portée par l'ensemble des pays de l'Union, à l'exception de la Suède. Le Danemark, les Pays-Bas, la Suède et la Finlande gardent leur place en tête de tableau, quand les Pays-Bas, l'Estonie, l'Allemagne, Malte, l'Autriche, et le Portugal ont affiché la plus forte progression. Comme d'habitude, les pays scandinaves s'arrogent le haut du tableau.
Le classement numérique entre pays de l'UE
Pour la première fois, le DESI compare les pays européens à ceux hors de l'Union. La tête du classement mondial est tenue par le Japon, les États-Unis et la Corée du Sud. Les pays européens n'en seraient pas si loin, et mèneraient la compétition dans certains domaines, comme l'adoption du numérique par les entreprises, dépassant même le Japon et la Corée du Sud, dans la moyenne ou sous la moyenne européenne. Sur la connectivité, trois pays européens (Danemark, Suisse et Royaume-Uni) ferment le top 5. Sur le capital humain, enfin, la Corée du sud est directement suivie par la Suède et la Finlande.
La France perd quelques places dans le classement
Dans tout cela, la France ne brille pas. Alors qu'elle était à la moitié du classement l'an dernier, elle passe désormais à la 16e place sur 28, en maintenant son score de 0,51 sur 1. L'activisme affiché du gouvernement sur nombre de sujets, comme la French Tech ou le très haut débit (voir notre analyse) n'y ont rien fait. Que s'est-il passé ? « La France a perdu sa position en matière de connectivité, de capital humain et de services publics numérique » analyse la Commission.
Si tous les Français ont accès au haut débit (avec 71 % d'abonnés), seuls 45 % ont accès au très haut débit, contre 62 % en moyenne en Europe. Le gouvernement a déjà répondu à cette critique l'an dernier, en expliquant que d'autres pays européens ont déployé en masse des technologies non-pérennes (comme le VDSL2), alors que la France a fait le choix de la fibre optique, un investissement à long terme plus long et coûteux à mettre en place.
Côté usages, les Français sont en retard sur leurs voisins européens en matière de communication, même s'ils achètent et regardent beaucoup de vidéo en ligne. Nous sommes d'ailleurs les premiers consommateurs de vidéo sur Internet selon l'UE. Au total, 81 % de la population utilise Internet, et 57 % de la population a des compétences basiques, mais seule 3,5 % de la population travaille dans des métiers numériques. Autre paradoxe : même si la France a perdu sa place en matière de services publics numériques, la Commission estime que le pays « s'en sort plutôt bien » en la matière.
C'est plutôt en usage des technologies par les entreprises que les problèmes se posent, le domaine « où la France a sa valeur la plus faible ». Si la France est 10e au classement sur le partage électronique d'informations, elles pèchent sur d'autres points, comme le cloud, que seules 7,5 % des sociétés utilisent. La situation des PME s'est tout de même légèrement améliorée.
Le marché unique numérique à la rescousse
Globalement, « l'UE progresse, mais trop lentement. Il ne faut pas céder à l’autosatisfaction. Si nous voulons rattraper le Japon, les États-Unis et la Corée du Sud, il nous faut agir » avance Günther Oettinger, le commissaire européen à l'économie et à la société numériques. L'un des problèmes récurrents concerne les échanges entre pays, limités par la réglementation actuelle.
Bien sûr, la solution existe : le marché unique numérique, le grand projet de la Commission pour doper l'économie numérique. Il s'agit d'une série de mesures qui doivent lever les barrières sur les barrières techniques et commerciales entre pays, comme les frais d'itinérance (supprimés l'an prochain). Ces mesures doivent être adoptées d'ici la fin de l'année, même si l'ambition de la Commission pourrait être contrariée par les allers-retours des textes entre institutions européennes. D'autres « mesures concrètes » devront être présentées en mai par la Commission.