HP dévoile de lourdes pertes, le scandale Autonomy en cause

HP dévoile de lourdes pertes, le scandale Autonomy en cause

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Nil Sanyas

Publié dans

Économie

21/11/2012 5 minutes
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HP dévoile de lourdes pertes, le scandale Autonomy en cause

Le géant Hewlett-Packard a publié hier des résultats catastrophiques, avec notamment une lourde perte de 6,854 milliards de dollars au dernier trimestre. Des pertes liées non pas à un écroulement d'un des marchés clés de l'Américain, mais de son acquisition faramineuse et surévaluée d'Autonomy l'an passé.

La phrase d'Information Week, encore présente sur le site officiel d'Autonomy, prend tout son sens aujourd'hui.

Oracle avait tiré les bonnes cartes

Larry Ellison, le patron d'Oracle, l'avait en quelque sorte prédit. Le 28 septembre 2011, Oracle se moquait ouvertement de HP via un communiqué officiel en affirmant que l'Anglais Autonomy, spécialisé dans les logiciels d'entreprises, l'avait contacté en début d'année afin de se faire racheter pour environ 6 milliards de dollars. Oracle avait alors refusé l'offre, jugeant cette dernière franchement trop élevée. Or en rachetant Autonomy pour 11,7 milliards de dollars, HP a quasi doublé une somme qu'Oracle trouvait pourtant surévaluée.

 

Quelques jours plus tôt, Léo Apotheker, PDG de HP depuis une petite année, quitta subitement son poste suite à son licenciement par son Conseil d'Administration. Une nouvelle à moitié surprenante, HP ayant été vivement critiqué pour son abandon des tablettes sous webOS et son acquisition de Palm, achetée chèrement 1,2 milliard de dollars. Apotheker a toutefois laissé à Meg Whitman, la nouvelle PDG de l'époque, un cadeau empoisonné particulièrement bien camouflé : Autonomy.

 

Malgré les critiques d'Oracle et de Larry Ellison quant à l'acquisition du Britannique Autonomy, Hewlett-Packard ne l'a pas remise en question et a donc intégré totalement la société parmi ses activités et son bilan financier. Pourtant, en matière d'acquisition problématique, HP a de l'expérience.

Le scandale Autonomy se cumule à l'affaire EDS

Rappelez-vous, il y a à peine trois mois, HP annonçait 8,857 milliards de pertes. Un trou immense sans rapport direct avec le marché ni même avec Autonomy, mais avec... EDS.  Le géant des services avait en effet été racheté pour 13,9 milliards de dollars il y a quatre ans. Une somme très élevée mais qui s'expliquait par l'importance d'EDS. Cette acquisition a d'ailleurs permis à HP de devenir un concurrent sérieux à IBM dans le secteur des services. Néanmoins, cela n'a pas empêché le leader du marché des imprimantes d'annoncer une lourde charge de 10,8 milliards de dollars dans ses comptes lors du précédent trimestre, principalement liée à l'acquisition et à la restructuration d'EDS.

 

Trois mois plus tard, c'est donc Autonomy qui plombe ses comptes, avec une charge de 8,8 milliards de dollars sur les épaules. « La majeure partie de cette perte de valeur est liée à de graves irrégularités comptables, des défauts d'informations et des déformations pures et simples d'Autonomy Corporation qui ont eu lieu avant l'acquisition par HP » résume ce dernier.

Deloitte et KPMG

Mais qui est responsable d'un tel fiasco ? Au regard des sommes en jeu, chacun se renvoie évidemment la patate chaude. D'un côté, Meg Whitman, l'actuelle présidente de HP, pointe du doigt Léo Apotheker, l'ex-PDG, ainsi que Shane Robison, ex-directeur de la stratégie et de la technologie de HP, partie le 1er novembre 2011. Ces derniers pourraient toutefois faire remarquer à Meg Whitman qu'elle faisait partie du Conseil d'Administration de HP lors de l'acquisition d'Autonomy.

 

Autre coupable idéal : le cabinet d'audit et de conseil Deloitte. Véritable référence dans le domaine avec Ernst & Young et KPMG, Deloitte est normalement habitué à gérer des acquisitions de grandes envergures. Ses services ont donc été sollicité par HP afin d'auditer Autonomy et évaluer au mieux sa valeur. Au regard du scandale dévoilé hier, Deloitte est logiquement sous le feu des projecteurs.
 

Selon Bloomberg, Meg Whitman, qui a tenu à s'expliquer sur ce sujet, a affirmé que l'affaire a été renvoyée devant les régulateurs britanniques et américains et qu'une action en justice sera lancée au vu de la gravité des évènements.

 

« Le Conseil d'Administration s'est appuyé sur des états financiers vérifiés - vérifiés par Deloitte - pas un cabinet d'expertise comptable lambda mais Deloitte » a ainsi tenu à noter la PDG de HP lors d'une conférence téléphonique avec des investisseurs. Le cabinet KPMG avait même été appelé en complément juste avant de sceller l'accord.

 

Bien entendu, Meg Whitman n'a pas été la seule à réagir. Léo Apotheker s'est ainsi dit surpris, déçu et choqué par ces irrégularités, d'autant que les enquêtes sur les comptes d'Autonomy avaient été réalisées de façon méticuleuse et approfondie selon ses propres mots. Deloitte, pour sa part, s'est contenté d'affirmer qu'il comptait bien coopérer avec les autorités compétentes afin d'aider l'enquête à avancer.

Le fondateur d'Autonomy tire à boulets rouges sur HP

Enfin, Mike Lynch, fondateur et ancien PDG d'Autonomy, s'est évidemment défendu de toute manipulation, déclarant qu'il est impossible que de telles irrégularités aient pu être cachées durant autant de temps, alors que de nombreuses personnes ont analysé les résultats d'Autonomy. « Ce serait quelque chose de tellement évident et massif, avec 300 personnes et toutes ces entreprises faisant un examen approfondi, comment pourrait-on ne pas le remarquer ? »

Pour Lynch, qui a quitté HP en mai dernier, suite, officiellement, à de mauvaises performances d'Autonomy, HP a tout simplement mal géré son entreprise après l'acquisition et essaye aujourd'hui de se couvrir avec cet énorme amortissement.

 

Visiblement très amer, Mike Lynch a affirmé au Wall Street Journal au sujet d'Autonomy : « Il s'agit d'une entreprise que nous avons passé 10 années à construire. C'était un leader mondial. Elle a été détruite en moins d'un an par de petites luttes intestines chez HP. »

 

Assurément, un scandale gigantesque se cache derrière cette affaire. Tôt ou tard, quelqu'un devra payer pour cette ardoise de plusieurs milliards. Reste à savoir quelle tête sautera.

Écrit par Nil Sanyas

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Oracle avait tiré les bonnes cartes

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Commentaires (15)


Je ris doucement quant à la manière américaine de gérer les entreprises, tout en donnant au reste du monde, non seulement des conseils, mais aussi des notes !

J’en veux pour preuve la disparition de l’entreprise où je bossais, qui était numéro un dans son secteur en France depuis plus de dix ans. Une gestion hasardeuse des clients et catastrophique des personnels a coulé la boîte en moins de deux ans. Ainsi une société bien implantée qui à elle seule réalisait un chiffre, et une marge, supérieurs à la somme de tous ses concurrents a disparue corps et biens.


Il y en a qui découvre encore la manière de travailler des américains? Comme le dit rafununu, les exemples ne manquent pas…


.

Tôt ou tard, quelqu’un devra payer pour cette ardoise de plusieurs milliards. Reste à savoir quelle tête sautera.





Ben les employés pardi








rafununu a écrit :



Je ris doucement quant à la manière américaine de gérer les entreprises, tout en donnant au reste du monde, non seulement des conseils, mais aussi des notes !

J’en veux pour preuve la disparition de l’entreprise où je bossais, qui était numéro un dans son secteur en France depuis plus de dix ans. Une gestion hasardeuse des clients et catastrophique des personnels a coulé la boîte en moins de deux ans. Ainsi une société bien implantée qui à elle seule réalisait un chiffre, et une marge, supérieurs à la somme de tous ses concurrents a disparue corps et biens.







Arthur Andersen???? <img data-src=" />









clacbec a écrit :



.



Ben les employés pardi





Le capitalisme à la sauce américaine c’est le bien <img data-src=" />



Je bosse dans ce milieu ça arrive souvent ce genre de déconvenue après un rachat :




  • Chiffres qui tiennent aux personnes, typique dans les métiers de technologiques (que vaudrait apple sans les années Jobs). Seulement une fois rachétés ils s’emmerdent et pensent à leur prochaine start up.

  • Difficulté d’intégration de la boite dans le groupe : ambiance, méthodes etc… un choc culturel souvent violent.

    ….



    Bref pleins de raisons qui font qu’une boite a gros potentiel se crashe après un rachat.



    Sinon pour rappel Andersen a été blanchi des accusations contre lui sur l’affaire Enron seulement la boite clouée au pilori n’a pas pu survivre jusqu’au procès.

    Et ça a changé énormément de chose dans le business, notament la pratique obligatoire de ne plus mélanger Conseil et audit sur une même société, voir interdit le conseil sur tout un groupe si l’on audite une des filiales (les règles d’indépendance sont draconiennes).



    Enfin dans un rachat il ya certes l’auditeur qui certifie les comptes de la filiales mais aussi le service de transaction mandaté par l’acheteur qui vérifie que le dossier est clean et clairement je ne vois pas comment autant de gens peuvent se planter à ce point là.








pti_pingu a écrit :



Arthur Andersen???? <img data-src=" />







Je viens de découvrir ce que c’est (j’étais jeune en 2001) et c’est assez hallucinant. Mais je suis certain que les 4 gros restants ne doivent pas forcément être complètement clean non plus.









bestaflex a écrit :



Je bosse dans ce milieu ça arrive souvent ce genre de déconvenue après un rachat :




  • Chiffres qui tiennent aux personnes, typique dans les métiers de technologiques (que vaudrait apple sans les années Jobs). Seulement une fois rachétés ils s’emmerdent et pensent à leur prochaine start up.

  • Difficulté d’intégration de la boite dans le groupe : ambiance, méthodes etc… un choc culturel souvent violent.

    ….



    Bref pleins de raisons qui font qu’une boite a gros potentiel se crashe après un rachat.



    Sinon pour rappel Andersen a été blanchi des accusations contre lui sur l’affaire Enron seulement la boite clouée au pilori n’a pas pu survivre jusqu’au procès.

    Et ça a changé énormément de chose dans le business, notament la pratique obligatoire de ne plus mélanger Conseil et audit sur une même société, voir interdit le conseil sur tout un groupe si l’on audite une des filiales (les règles d’indépendance sont draconiennes).



    Enfin dans un rachat il ya certes l’auditeur qui certifie les comptes de la filiales mais aussi le service de transaction mandaté par l’acheteur qui vérifie que le dossier est clean et clairement je ne vois pas comment autant de gens peuvent se planter à ce point là.







    Comme quoi, ça aura peut être servi à quelque chose….









bestaflex a écrit :



Je bosse dans ce milieu ça arrive souvent ce genre de déconvenue après un rachat :




  • Chiffres qui tiennent aux personnes, typique dans les métiers de technologiques (que vaudrait apple sans les années Jobs). Seulement une fois rachétés ils s’emmerdent et pensent à leur prochaine start up.

  • Difficulté d’intégration de la boite dans le groupe : ambiance, méthodes etc… un choc culturel souvent violent.

    ….



    Bref pleins de raisons qui font qu’une boite a gros potentiel se crashe après un rachat.



    Sinon pour rappel Andersen a été blanchi des accusations contre lui sur l’affaire Enron seulement la boite clouée au pilori n’a pas pu survivre jusqu’au procès.

    Et ça a changé énormément de chose dans le business, notament la pratique obligatoire de ne plus mélanger Conseil et audit sur une même société, voir interdit le conseil sur tout un groupe si l’on audite une des filiales (les règles d’indépendance sont draconiennes).



    Enfin dans un rachat il ya certes l’auditeur qui certifie les comptes de la filiales mais aussi le service de transaction mandaté par l’acheteur qui vérifie que le dossier est clean et clairement je ne vois pas comment autant de gens peuvent se planter à ce point là.







    Le problème est peut-être lié au fait que quand tu fais une due diligence, tu n’as accès qu’à ce qu’on veut bien te donner…



    Concrètement on t’enferme dans une data room avec toute la paperasse qu’ils arrivent retrouver pendant une durée limitée.



    Combien de fois on retrouve dans des situations genre “ha oui en fait là c’était un accord verbal”, ou “ha oui là en fait c’était un vieux contrat qu’on avait perdu” ou encore des factures non encodées qui finalement ont un impact plus que significatif sur le résultat annuel (et en général on paye une société en multipliant son résultat annuel par un coefficient variable en fonction du potentiel de la boîte à acheter)…



    Bref, c’est pas exceptionnel qu’on ne parvienne pas à déceler des irrégularités dans le contexte d’une société mal gérée.



    Mais bon stratégiquement, ils font un peu n’importe quoi chez HP ces dernières années, les décisions me semblent très impulsives et sans stratégie à long terme bien définie…



Et avec tout ça c’est encore le client qui trinque, on a encore changer de support pour les produits Autonomy… quel bordel <img data-src=" />


Je peux déja vous dire qui payera les pots cassés !

Je bosse chez HP en Irelande depuis près de 2ans, et le contrat pour lequel je travaille en partenariat avec MS, qui est en place plus de 7 ans, à miraculeusement été annulé…

Comme dans toutes les entreprises, c’est les employés qui trinquent en premier, je suis dégouté








doudawak a écrit :



Je peux déja vous dire qui payera les pots cassés !

Je bosse chez HP en Irelande depuis près de 2ans, et le contrat pour lequel je travaille en partenariat avec MS, qui est en place plus de 7 ans, à miraculeusement été annulé…

Comme dans toutes les entreprises, c’est les employés qui trinquent en premier, je suis dégouté







De quoi bien faire prendre conscience qu’il serait temps d’arrêter de nous battre entre nous pour avoir le plus de miettes possibles, et de regarder ensemble qui se partage le gâteau… <img data-src=" />



Toute façon c’est pas compliqué, tant que chacun ne pensera qu’à sa gueule (pour le peu qu’on lui laisse) et n’aura pas de sentiment de révolte dans les tripes (celui qui te pousse à faire des sacrifices pour faire avancer une cause commune) ce seront toujours les mêmes qui se gaveront sur leur dos.



Pour le moment, le système est bien ficelé, on tire sur la corde, mais pas trop… Il faut que les gens aient encore des raisons de s’estimer heureux, et voient une nette frontière entre leur situation de baisé, et la situation des chômeurs ou personnes à la rue.



Allez… encore un beau scandale en perspective comme celui d’Enron, mais dans l’informatique cette fois…








Laurius a écrit :



[…]

Bref, c’est pas exceptionnel qu’on ne parvienne pas à déceler des irrégularités dans le contexte d’une société mal gérée.



Mais bon stratégiquement, ils font un peu n’importe quoi chez HP ces dernières années, les décisions me semblent très impulsives et sans stratégie à long terme bien définie…







En l’occurence sur ce genre de deals, le gros du taff porte sur l’évaluation de la technologie achetée et là je vois pas Deloitte sortir les chiffres de son chapeau : ils ont demandé leur avis au vendeur et à l’acheteur (ou un évaluateur spécialisé) et tranché comme souvent sur un montant prudent.










bestaflex a écrit :



En l’occurence sur ce genre de deals, le gros du taff porte sur l’évaluation de la technologie achetée et là je vois pas Deloitte sortir les chiffres de son chapeau : ils ont demandé leur avis au vendeur et à l’acheteur (ou un évaluateur spécialisé) et tranché comme souvent sur un montant prudent.







LE gros du taff peut-être pas jusque là, l’estimation de l’IP est une partie, mais pas la seule, loin de là ;)



C’est pas une holding qui détiendrait l’IP qu’on achète là, c’est une structure opérationnelle, la due dil’ est plus sérieuse et les risques sont plus grands.



Ensuite le problème soulevé c’est que justement la collaboration du vendeur n’a pas été loyale selon HP, et là on ne peut rien faire concrètement pour contrer la mauvaise foi au préalable (à part blinder le SPA à titre dissuasif, mais il n’y a pas de moyen de contrôle préalable efficace pour se protéger de la mauvaise foi).



Il faut donc voir s’il existe une différence par rapport aux données que Deloitte a reçu et la réalité de la situation, si oui, pourquoi, à qui c’est imputable et on lance l’attaque contre le vendeur (au civil ou au pénal, selon le cas).



Apparemment, ici ce qui pose problème c’est pas mal de trucs: comptabilisation de la vente hardware mélangé à la vente software alors que la marge est évidemment plus faible pour le hardware, attribution de licences fictives (comptabilisation de simples prospects parmi les attributions de licences, liaison du matériel à certaines licences alors que ce n’était pas le cas en réalité), etc.