Dans le cadre de la proposition de loi relative aux autorités administratives indépendantes, la Hadopi a sauvé in extremis son statut actuel des griffes du ministère de la Culture. La parole est donnée maintenant aux députés.
La PPL signée Marie-Hélène des Esglaux, Jean-Léonce Dupont et Jacques Mézard avait proposé de revoir considérablement l’enveloppe juridique encadrant la Hadopi, figée à l’article L331-12 du Code de la propriété intellectuelle.
L’article 25 du texte refusait ainsi le statut d’autorité publique indépendante (API) à la Haute autorité, pour la transformer en « un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la Culture ». Et donc sous le contrôle de l’État. La disposition validée, la Hadopi aurait rejoint le Centre national du Cinéma, le Centre national du livre ou encore la Bibliothèque nationale de France...
De l'inutilité de la Hadopi...
Mais pourquoi une telle mue ? Fin 2015 une commission d’enquête (« Un État dans l’État : canaliser la prolifération des autorités administratives indépendantes pour mieux les contrôler ») écornait le bilan de la Hadopi. « Cette autorité n’a pas apporté la preuve de son efficacité en tant que gendarme de l’internet » fustigeait son rapporteur Jacques Mézard, « les moyens de lutte contre le piratage à travers le mécanisme de la réponse graduée sont inopérants » (notre actualité). De cette inefficacité, le même Mézard suggérait ainsi une suppression ou à tout le moins une transformation de son statut.
En commission de la Culture, ce sujet de la qualification a suscité une levée de boucliers. En janvier dernier, le sénateur David Assouline n’a pu s’empêcher de rappeler son vœu de voir l’autorité fusionner avec le CSA, notamment au motif que YouTube serait non régulé (ce qui est une ineptie juridique). Selon lui, surtout, « supprimer aujourd'hui la Hadopi de la liste des autorités administratives indépendantes » constituerait un mauvais signal « ne serait-ce qu'au regard de l'exigence minimale de défense des droits d'auteur. »
...Au nécessaire statut d'API
Pour Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis, l’indépendance de la Hadopi serait même une nécessité, « notamment pour ce qui concerne la protection des données personnelles des internautes et la régulation des mesures techniques de protection, les MTP ». Pourquoi ? Car « la Hadopi dispose de pouvoirs précontentieux, ce qui nécessite de recourir au statut d’autorité administrative indépendante, y compris dans le cadre fixé par la proposition de loi et par la proposition de loi organique. »
Le 4 février dernier, le gouvernement s’est lui-aussi opposé à un tel détricotage et ce, pour les mêmes raisons : « Son statut actuel correspond à la nature des missions qui lui sont confiées, en particulier au règlement des différends, ainsi qu’à ses pouvoirs réglementaires. Il lui permet d’agir dans le respect des principes d’indépendance et d’impartialité. »
Finalement, la Hadopi a donc été épargnée. Elle demeure certes toujours tributaire de la subvention annuelle du ministère de la Culture, mais conserve son statut d’autorité publique indépendante du moins en l'état de la PPL. Le texte, transmis depuis dans les mains des députés, sera prochainement examiné par la Commission des lois avant son passage en séance.