En début de mois, un projet de cache caméra s'est lancé sur Kickstarter : PRIVA. Fruit d'une année de travail, il prend la forme d'un cercle de silicone de 8 mm de diamètre censé être réutilisable à l'infini. Pour la jeune société derrière ce produit, qui a breveté le procédé, cette campagne de financement ne doit être qu'un début.
Comment s'assurer que la caméra de votre PC portable ou de votre smartphone n'enregistre pas l'image à votre insu ? Si certains pourraient miser sur des solutions logicielles complexes, il existe un moyen assez simple de le faire : obturer le capteur. Mais entre les post-it et le scotch, difficile de trouver une solution simple et pérenne.
C'est là que veut intervenir PRIVA, un projet lancé sur Kickstarter en début de mois. Il prend la forme d'une pastille censée s'adapter à tous les appareils (du smartphone au PC) et être « réutilisable à l'infini ». La promesse a convaincu une centaine de contributeurs, qui ont financé la campagne et doivent recevoir les produits en mars.
L'initiative a été lancée par David Benayoun, un Français émigré aux États-Unis, qui a monté une entreprise dédiée à l'idée. « À New York, j'ai rencontré des gens qui travaillent à l'ONU ou au New York Times et qui me disaient qu'autour d'eux, les gens protégeaient leurs webcams. Je me suis dit qu'on pouvait trouver mieux qu'un bout de scotch », nous explique-t-il.
Une solution simple à un problème quotidien
L'idée, en gestation depuis quelques années, a émergé au contact de ces publics sensibles. On pourrait imaginer que les constructeurs et leurs millions de dollars d'investissement s'emparent d'un tel problème, en proposant un bloc de webcam avec une obturation intégrée (ce qui arrive parfois), un module amovible ou même des produits sans micro ou webcam intégré. Mais il n'en est rien.
L'argument du projet est d'autant plus clair et intéressant : protéger simplement sa webcam des intrusions inopportunes, qu'elles viennent d'un simple pirate ou d'un État. Cela grâce à une solution low tech. « Les diplomates cachent leurs caméras, ce n'est pas pour rien » résume David Benayoun.
Selon lui, les solutions existantes, dont celles déjà « kickstartées », ne répondent pas vraiment aux attentes des clients. C'est par exemple le cas de Nope, des pastilles en métal dont les acheteurs se sont copieusement plaints une fois les produits reçus. Notamment suite à des décrochages et des résidus après l'enlèvement.
Pour le moment, lesdites pastilles sont proposées par lot de deux à sept dollars. Le site officiel (« en rupture ») propose lui ce lot pour 11,99 dollars, même si ce prix ne sera sûrement pas définitif « L'idée est de le vendre moins cher à ceux qui nous ont aidé à lancer le projet via Kickstarter » explique son fondateur. Dans tous les cas, le produit devra être bon marché, y compris grâce à des frais d'expédition limités.
De la silicone, des microfibres et un brevet
Concrètement, il s'agit d'une pastille de silicone avec une couche de microfibres pour imprimer un motif, large de 8 mm et épaisse de 0,8 mm. De base, le produit est fourni avec une impression de l'œil d'Horus, « qui protégeait le pharaon dans la mythologie égyptienne ». Si l'objet est simple en apparence, l'équipe indique avoir breveté le procédé, après plusieurs mois de conception et de prototypage.
Malgré quelques milliers d'euros d'apport personnel, l'idée a surtout été chronophage. « C'était un défi de mélanger ces deux matériaux [silicone et microfibres]. Il a aussi fallu pouvoir imprimer et découper parfaitement un produit de 8 mm, ce qui est assez difficile. Les lasers utilisés coupent d'habitude des diamètres bien plus importants. Cela nous a pris beaucoup de temps de trouver la bonne usine, le bon fournisseur... Beaucoup ont refusé de nous aider, parce que c'était impossible pour eux » détaille David Benayoun.
Les pastilles sont ainsi produites en Chine, dans une usine spécialisée dans le textile, qui a contribué à la recette. L'équipe le promet : les caches ne laissent pas de résidus et sont réutilisables en appliquant une simple goutte d'eau. Avant de lancer sa campagne de financement, elle dit en avoir fourni à de premiers utilisateurs, dont des journalistes, sans retour négatif.
En fait, Kickstarter doit surtout valider le projet auprès du grand public et l'aider à être connu, en plus de « sensibiliser sur le sujet de la vie privée », bien entendu.
Des projets plein les cartons
Alors que la campagne n'est pas terminée, la jeune pousse prévoit déjà d'en lancer une seconde sur Kickstarter dans quelques mois, en tirant les leçons de ce premier tour. Comme indiqué, une commercialisation en dehors de ce circuit est aussi envisagée. Mais les débouchés du produit pourraient être ailleurs que dans la vente directe.
Une entreprise spécialisée dans les supports publicitaires pour entreprises a déjà contacté l'équipe. « Demain, si Axa ou BNP veut fournir gratuitement un PRIVA à ses clients, c'est tout à fait possible, on peut le personnaliser. Cette option de développement est clairement plausible » affirme David Benayoun.
Une autre piste est la vente via de grandes chaines d'électronique. « Il serait logique que PRIVA soit disponible à la Fnac, ou à Staples aux Ètats-Unis, qui vendent beaucoup d'informatique, avec la possibilité de l'acheter avec un nouveau PC ou Mac » déclare l'équipe, qui n'indique pas avoir entamé de démarche en ce sens pour le moment.
La prochaine étape, les micros
La question de la protection des terminaux ne concerne pas que les caméras. L'équipe songe déjà à la prochaine étape, les micros. « Les services de renseignement utilisent énormément les smartphones et ordinateurs pour leurs micros. Lorsqu'un téléphone est posé sur la table, c'est utilisé aujourd'hui pour enregistrer les conversations » rappelle Benayoun.
« Il s'agit vraiment de la même logique de protection légitime. On y réfléchit, mais on n'a pas encore d'idée, parce qu'entre le téléphone et l'ordinateur, le format change du tout au tout, contrairement à une caméra qui a relativement la même taille partout » poursuit-il. Dans tous les cas, il s'agira encore d'un objet physique. Les solutions logicielles sont écartées, simplement « parce qu'elles ne fonctionnent pas ».
En attendant, la première campagne Kickstarter de PRIVA se termine dans une semaine et demie, avec en mars les retours des premiers vrais clients. Car si de premiers contacts ont été formés avec l'industrie, cette solution devra encore convaincre les partenaires et utilisateurs, qu'ils y voient un outil publicitaire ou un moyen simple de protéger (un peu) leur vie privée.