État d’urgence : le Conseil constitutionnel censure la copie des données informatiques

Relire la Déclaration de 1789
Droit 4 min
État d’urgence : le Conseil constitutionnel censure la copie des données informatiques
Crédits : Marc Rees (Licence CC-BY SA 3.0)

Patatras ! Le Conseil constitutionnel vient de déclarer inconstitutionnelle une disposition de la loi sur l’état d’urgence, celle qui permettait la copie des données informatiques des lieux perquisitionnés. Une mesure introduite après les attentats du Bataclan, mais incompatible avec la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen.

La loi sur l’état d’urgence de 1955, modifiée après les attentats du 13 novembre, a introduit la possibilité pour les services de réaliser des copies de données informatiques chez les personnes perquisitionnées, celles dont le comportement présente « une menace » pour la sécurité ou l’ordre publics.

Seul hic : ni le gouvernement, ni le législateur n’ont voulu encadrer le sort des données copiées, pas plus qu’ils n’ont souhaité que le Conseil constitutionnel examine a priori ces dispositions. Une situation qui a agacé la Ligue des Droits de l’Homme qui a dénoncé devant le Conseil d’État ce flou des perquisitions informatiques. Représentée par Me Spinosi, elle a soulevé alors une question prioritaire de constitutionnalité  à laquelle le Conseil constitutionnel vient aujourd’hui de répondre.

Une procédure qui a visé juste :  le « CC » vient de déclarer inconstitutionnel cet instrument qui permettait « à l'autorité administrative de copier toutes les données informatiques auxquelles il aura été possible d'accéder au cours de la perquisition. »

Pourquoi ? La haute juridiction l’assimile à une saisie. Or, « ni cette saisie ni l'exploitation des données ainsi collectées ne sont autorisées par un juge, y compris lorsque l'occupant du lieu perquisitionné ou le propriétaire des données s'y oppose et alors même qu'aucune infraction n'est constatée ». Pire : à cette occasion, les agents peuvent aspirer « des données dépourvues de lien avec la personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ». Face à cette grave violation de la vie privée, il s'attendait lui-aussi à un encadrement de rigueur... Mais grosse contrariété : « le législateur n'a pas prévu de garanties légales propres à assurer une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et le droit au respect de la vie privée. »

Cette disposition portée par Bernard Cazeneuve est donc décapitée sur l’autel de la Déclaration des droits de l’Homme, pas moins.  

Une décision logique, guidée par celle sur la loi Renseignement

Contacté, Me Spinosi salue cette décision qui s’inscrit dans la lignée de la décision du Conseil sur la loi Renseignement. En juillet dernier, le juge avait déjà censuré la disposition relative à la surveillance internationale pour avoir bêtement oublié de définir les modalités d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés. Un précédent que l’exécutif a feint d’oublier, en vain…

« On s’inscrit aujourd’hui dans la continuité : il n’y a pas eu d’appréciation différente du Conseil constitutionnel à 8 mois d’intervalle au seul motif qu’on était dans le cadre de l’état d’urgence. C’est néanmoins une victoire très limitée par rapport aux espoirs qu’on pouvait fonder » nous confie Me Spinosi, puisque « le cœur de la loi est validé ». La LDH espérait en effet un coup d'épée plus profond dans la loi sur l'état d'urgence, qui a été validée. On remarque cependant que le juge a également interdit les perquisitions de nuit, sauf si elles sont justifiées par l'urgence et l'impossibilité de l'effectuer le jour...

conseil constitutionnel etat d'urgence

La phrase censurée, dans la loi sur l'état d'urgence

Après cette censure partielle, que va-t-il se passer ? « Les perquisitions faites sont d’ores et déjà validées. En revanche, à partir du prononcé de la décision, il n’y a plus de possibilité de conservation des données saisies. Cela implique que l’ensemble des données soit à présent détruit ». Et à l’avenir ? Les copies ne seront plus autorisées. En effet, ajoute le juriste, « le principe même de ces saisies n’est pas en lui-même impossible, ce qui est ici censuré, c’est l’absence d’encadrement suffisant pour les modalités de conservations et de destructions des données saisies. »

Une décision qui va contraindre le gouvernement à relire la Déclaration de 1789

Même si cela lui sera douloureux, cette décision va nécessairement obliger le gouvernement à élever le niveau de garantie de ses prochains textes sécuritaires. Pour mémoire, son tout prochain projet de loi modifiant (encore !) l’état d’urgence visera justement à permettre cette fois de vraies saisies des données et du matériel informatique. Or, l’exécutif a là encore oublié d’encadrer solidement le sort des données informatiques. Ce deuxième rappel à l’ordre infligé ce matin devrait néanmoins lui rappeler l’existence de la Déclaration de 1789.

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