Pour parer au risque de diffusion anticipée de résultats lors des prochaines élections présidentielles (notamment via les réseaux sociaux), les sénateurs devraient réduire le laps de temps s’écoulant entre la fermeture des premiers et derniers bureaux de vote. Les élus ne sont toutefois pas d’accord : ramener ce délai à une heure, fermer tous les bureaux à 19h – voire à 18h... Plusieurs pistes sont sur la table.
Afin de garantir la sincérité du scrutin, le droit français pose deux interdictions pour le moins drastiques :
- Il est défendu de communiquer (sur Internet, à la télévision...) tout « résultat d'élection, partiel ou définitif », avant la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain – sous peine de 3 750 euros d’amende.
- Le fait de diffuser, de publier ou ne serait-ce que de commenter un sondage le jour ou la veille d’un scrutin est prohibé – sous peine de 75 000 euros d’amende.
Comme on a pu le voir lors des dernières présidentielles, ce dispositif n’a toutefois pas empêché les internautes de s’amuser à narguer les autorités sur les réseaux sociaux, à grand renfort de messages plus ou moins codés... La loi française ne s’appliquant pas aux médias étrangers, il suffisait d’aller consulter leurs sites Internet pour avoir de premières estimations. Parfois, certains twittos se sont basés sur des résultats partiels issus de premiers dépouillements pour divulguer quelques chiffres...
Limiter l'impact des fuites potentielles
Résultat, le Parlement s’apprête à harmoniser l’heure de fermeture des bureaux de vote – comme l’ont préconisé le Conseil constitutionnel, le CSA... Alors qu’aujourd’hui, les premières urnes peuvent être dépouillées à partir de 18 heures, la proposition de loi de modernisation de l’élection présidentielle veut contraindre les communes à ouvrir leurs bureaux de vote jusqu’à 19 heures, même à la campagne. Selon le texte adopté le mois dernier par l’Assemblée nationale, les grandes villes pourraient quant à elles continuer à accueillir des électeurs jusqu’à 20 heures.
Mais si tout le monde semble d’accord sur le principe, les détails de cette réforme prêtent encore à débat. Arrivé au Sénat, le texte a en effet été modifié en commission sous l’impulsion du rapporteur Christophe Béchu. Le sénateur Les Républicains du Maine et Loire a réussi à faire adopter un amendement prévoyant une fermeture uniforme de tous les bureaux de vote à 19 heures, y compris pour les principales villes du pays. L’objectif : prévenir davantage « toute diffusion prématurée de résultats, même faussés ». Sorte de compromis entre la situation des petites et grandes communes, cette modification ne devrait selon lui pas faire monter l’abstention électorale dans la mesure où les villages dans lesquels « la fermeture est prévue à 18 heures [enregistrent] une participation plus élevée que dans les autres bureaux de vote ».

Son collègue Alain Vasselle (lui aussi Les Républicains) propose cependant en vue des débats dans l’hémicycle que tous les bureaux ferment à 18 heures. Le motif avancé ? 90 % des électeurs auraient voté à ce moment de la journée. Au travers de ce qui ressemble à un amendement de repli, il laisserait toutefois la possibilité aux grandes villes de fermer à 19h. Les sénateurs du groupe socialiste demandent quant à eux à ce qu’on revienne à la version adoptée à l’Assemblée nationale : 19h en zone rurale, 20h ailleurs...
Si l’on résume, les sénateurs devront donc faire leur choix entre :
- Fermer tous les bureaux de vote à 18 h.
- Fermer la plupart des bureaux de vote à 18h, le reste à 19h.
- Fermer tous les bureaux de vote à 19h.
- Fermer la plupart des bureaux de vote à 19h, le reste à 20h.
Alors que les débats doivent débuter demain, signalons enfin que le législateur s’apprête dans le même temps à durcir l’arsenal législatif en vigueur : le fait de communiquer un résultat, partiel ou définitif, deviendra en effet passible de 75 000 euros d’amende (au lieu de 3 750 euros actuellement). Aucun amendement n’a cette fois été déposé sur ces dispositions.