Pourra-t-on consulter sur Internet la liste complète des élus (notamment les maires) ayant parrainé des candidats à l’élection présidentielle de 2017 ? C’est ce que souhaite la majorité, mais certains élus ne l’entendent pas de cette oreille au Sénat...
Pour chaque élection présidentielle, c’est le même feuilleton : les candidats, notamment les moins connus, arriveront-ils à recueillir les 500 parrainages nécessaires pour se présenter ? Contrairement à une idée reçue, il n’y a pas que les maires qui peuvent accorder cette faveur aux prétendants – députés, sénateurs, conseillers régionaux et départementaux, eurodéputés français sont également susceptibles de jouer un rôle important dans la course à l’Élysée. Les principaux candidats en lice dépassent de ce fait bien souvent ce seuil.
Pour autant, la loi n’impose la transparence que sur 500 de ces soutiens, par candidat... C’est le Conseil constitutionnel, juge de l’élection, qui – après avoir effectué un tirage au sort – publie au Journal officiel le nom et la qualité d’une partie des parrains de chaque candidat, quelques jours avant le premier tour (voir ici la liste relative à 2012).
Un « compteur » de parrainages mis en ligne avant l’ensemble des soutiens
La proposition de loi organique de modernisation de l’élection présidentielle entend toutefois dépoussiérer ce dispositif, en imposant la transparence sur l’ensemble des parrains. « Au fur et à mesure de la réception des présentations », le Conseil constitutionnel devra selon ce texte rendre publics, « au moins deux fois par semaine, le nombre par candidat des citoyens qui ont valablement présenté des candidats à l'élection présidentielle ». À cet espèce de compteur s’ajoutera, « huit jours au moins avant le premier tour de scrutin », la publication du nom et de la fonction de ceux qui auront accordé leur soutien aux prétendants ayant obtenu leurs 500 parrainages dans les temps.
S’il n’est pas expressément précisé quel sera le vecteur de diffusion de ces informations, le député Jean-Jacques Urvoas, rapporteur à l'Assemblée nationale, a assuré le mois dernier au député Lionel Tardy que « les parrainages seront publiés sur [le site] Légifrance, dont les données sont déjà librement réutilisables » – et aussi très vraisemblablement sur le site du Conseil constitutionnel.
Le sénateur Masson veut en finir avec la transparence sur les parrainages
Ces dispositions ne font toutefois pas l’unanimité. En vue des débats en séance publique de demain, le sénateur Jean-Louis Masson (non-inscrit) a déposé deux amendements visant à éradiquer toute transparence sur les parrains. L’élu voudrait en effet que le Conseil constitutionnel garde secret les noms de tous les soutiens aux candidats. « La publication de la liste des parrainages des candidats aux élections présidentielles porte atteinte au secret d’une partie du processus électoral et par contrecoup, à la liberté du vote. Il ne sert à rien que le vote soit secret pour empêcher les pressions sur les électeurs si dans le même temps, la publication des parrainages permet des pressions pour écarter certaines candidatures » fait valoir le parlementaire.
Jean-Louis Masson cite plusieurs exemples : « chasseurs à l’encontre des parrains d’un candidat écologiste, chantage aux subventions du conseil général ou des intercommunalités, exactions diverses contre les parrains d’un candidat d’extrême droite... » Selon lui, le système actuel « n’empêche pas les candidatures fantaisistes ou marginales tout en risquant d’exclure des courants de pensée figurant parmi les plus importants ». Certains élus peuvent effectivement accorder leur parrainage non pas par soutien personnel au candidat, mais parce qu’ils estiment que ses idées méritent d’être portées lors de l’élection présidentielle.
Les élus PS voudraient une diffusion des noms en quasi-temps réel
À l’opposé, les sénateurs socialistes ont déposé deux amendements pour davantage de transparence. Premièrement, ils demandent à ce que le nom et la qualité des parrains soient rendus publics au fur et à mesure que le Conseil constitutionnel enregistre les présentations – et non pas à quelques jours du premier tour. Mécaniquement, cela conduits les élus PS à proposer dans un deuxième temps la mise en ligne des soutiens de tous les candidats, même pour ceux n’ayant finalement pas réussi à en obtenir 500.
Ces amendements pourraient toutefois être écartés par le Sénat, majoritairement à droite, dans la mesure où le rapporteur Les Républicains Christophe Béchu est à l’origine du « compteur » de soutiens. Alors que l’Assemblée nationale a adopté le 16 décembre dernier un texte semblable à celui voulu par les sénateurs socialistes, l’élu a fait revoir ce dispositif en commission. « La publication du nom des élus ayant présenté une candidature, avant la clôture du recueil de ces présentations, aurait pour effet de maintenir la pression qui pourrait être exercée sur eux », a-t-il soutenu.
Fin du suspense dans quelques heures, l’examen de cette proposition de loi étant programmé pour demain et après-demain au Palais du Luxembourg.