L’avant-projet de loi modifiant une nouvelle fois la loi de 1955 relative à l’état d’urgence, va autoriser prochainement les saisies informatiques à l’occasion des perquisitions administratives autorisées depuis novembre dernier.
Après les attentats dits du Bataclan, l’exécutif avait déclaré l’état d’urgence par décret. Quelques jours plus tard, s’appuyant par l’imminence de la menace terroriste, une loi venait prolonger cet état exceptionnel en faisant d’une pierre deux coups : elle modifiait également la loi de 1955 avec deux nouveautés remarquables.
D’une part, elle autorise l’assignation et la perquisition d’une personne « à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ». Par comparaison, la version préalable exigeait une démonstration plus musclée, plus solide, à savoir une « activité » qui « s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics ».
D’autre part, cette loi de novembre 2015 a introduit la possibilité de réaliser des perquisitions administratives sur les ordinateurs présents dans les lieux perquisitionnés, avec un accès à toutes les données « accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial ». Soit grosso modo, une bonne partie d’Internet, pour le cas d’un ordinateur connecté.
Des perquisitions aux saisies du matériel informatique
Dans un nouvel avant-projet de loi sur l’état d’urgence, qui fera suite à la modification de la Constitution, le gouvernement veut aller plus loin. Comme annoncé en décembre dernier, outre les perquisitions, il s’agit de permettre cette fois les saisies administratives de ces mêmes ordinateurs.
Tout se passe à l'article 2 de ce texte adressé à l’ensemble des députés, dont Sergio Coronado (EELV) :
La perquisition sera soumise à plusieurs conditions. Avant tout, l’autorité devra démontrer que « l’exploitation d’un système informatique ou d’un équipement terminal présent sur les lieux où se déroule la perquisition » ou que l’examen des documents n’aura pu être réalisé ou achevé pendant le temps de la perquisition. Cette condition devrait nécessairement être aisée à remplir puisque le périmètre des données « accessibles à partir du système initial » est presque infini : or, fouiller l'infini peut prendre beaucoup de temps.
La saisie du système, de l’équipement ou du document pourra être autorisée à la condition encore qu’existent « des raisons sérieuses de penser que cette saisie est nécessaire à la prévention des menaces pour la sécurité ou l’ordre publics mentionnées dans la décision prévue au deuxième alinéa », soit celle ayant justifiée la perquisition. Là encore, c’est une condition de papier : puisque la saisie est justifiée par l’impossibilité des services d’ausculter la totalité des données stockées ou disponibles depuis tels ordinateur, tablette, téléphone, il sera toujours simple de secouer l’étendard de la possible « menace » sur les données non encore exploitées.
Toujours ce silence sur le sort des données copiées
En cas de saisie, réalisée en présence d’un officier de police judiciaire, un procès-verbal devra mentionner ces motifs tout en dressant l’inventaire des biens. Ce PV est remis au principal concerné. Et ensuite ? « Documents, systèmes informatiques et équipements terminaux » visés sont conservés « sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la perquisition et à la saisie ».
Les agents auront alors 15 jours pour fouiller et copier l’intimité numérique de la personne avant restitution des biens à leur propriétaire. Certes, avant terme, celui-ci pourra toujours saisir le juge administratif pour obtenir une restitution anticipée, mais remarquons une chose : dans tous les cas, l’avant-projet de loi ne dit rien du sort des données copiées par les services, ni de ce qu’il adviendra des retranscriptions. La loi de 1955, modifiée après les attentats, souffrait déjà d’un même reproche qui a occasionné le dépôt victorieux d’une question prioritaire de constitutionnalité à la demande de la Ligue des droits de l’homme, auscultée actuellement par le Conseil constitutionnel.
Si le texte du gouvernement ne dit rien du sort des éléments copiés, il est par contre plus bavard sur une hypothèse particulière : celle où les agents viendraient à constater une infraction quelconque (un MP3, un film téléchargé…). Dans un tel cas, plus de restitution puisque « les biens saisis peuvent être conservés suivant les règles applicables en matière de procédure pénale. »