En matière de lutte antiterroriste, la France a fait connaitre ses vœux aux institutions européennes le 13 janvier dernier. En bonne place, figure la volonté d’inscrire le blocage d’accès aux sites, si possible administratif, soit sans intervention préalable d'un juge.
Alors que le Conseil d’État est en train d'examiner deux procédures initiées par la Quadrature du Net, FDN et FFDN contre le blocage et le déréférencement administratif, la France veut pousser ce type d’armes dans toute l’Europe. Dans le document révélé par StateWatch.org, et pointé par le blog Sécurité intérieure, Paris a répondu à une consultation lancée par Bruxelles en préparation de la future directive relative à la lutte contre le terrorisme.
Accélérer le retrait des contenus
Son premier vœu ? Que l’ensemble des États membres prennent les mesures nécessaires pour punir pénalement non seulement la diffusion d'un message terroriste, comme le voudrait la proposition de directive, mais également l’apologie de ces mêmes faits. Deux infractions déjà réprimées en France dans le Code pénal, avec la loi contre le terrorisme.
La France suggère également que cette future directive enjoigne les États membres de prendre « les mesures nécessaires pour faire rapidement supprimer les pages internet incitant publiquement à commettre une infraction terroriste » lorsqu’elles sont hébergées sur leur territoire, ou bien s’efforcent d’obtenir leur suppression, en cas d’hébergement à l’étranger.
Généraliser le blocage d’accès
Outre ce retrait à la source, les autorités françaises veulent aussi que le blocage d’accès soit inscrit à l’échelle européenne, dès lors qu’un site incite à une infraction terroriste. Selon la disposition portée par les autorités nationales, « ces mesures doivent être établies par le biais de procédures transparentes et fournir des garanties suffisantes, en particulier pour veiller à ce que les restrictions soient limitées à ce qui est nécessaire et proportionnées, et que les utilisateurs soient informés de la raison de ces restrictions. Ces garanties incluent aussi la possibilité d'un recours judiciaire. »
Le passage final, insistant sur des procédures transparentes et mettant en place un recours a posteriori, signifierait en creux que la France se satisferait pleinement d'un blocage sans l’intervention préalable d’un juge, à l’image de celui actionné avec la loi contre le terrorisme… (qui repose sur un recours devant le juge administratif, cependant).
Cette opération française avait été annoncée la semaine dernière au Forum international sur la cybercriminalité. À Lille, Bernard Cazeneuve avait en effet exprimé son souhait de voir généraliser les procédures de blocage sans juge. Il plaidait également pour la mise en place d’une unité européenne ayant pour mission de faire supprimer l’ensemble des contenus illicites « sur Internet et les réseaux sociaux. »
283 sites bloqués en France (dont 240 pédopornographiques)
Selon les derniers décomptes, 283 sites ont été bloqués en France depuis la mise en œuvre de cette mesure administrative. À Lille toujours, Bernard Cazeneuve n’a jugé utile de ventiler ces chiffres bruyamment annoncés.
Or, depuis la mise en œuvre du décret de février 2015, deux types de blocages existent : celui des sites faisant l’apologie ou provoquant au terrorisme, certes, mais également celui relatif à la pédopornographie. Si on creuse, la réalité est un peu moins pétaradante : d’après Libération, sur ces fameux 283 sites, 43 blocages concernent l’apologie du terrorisme, mais 240 la pédopornographie.