Lors de l’examen du projet de loi Numérique, le gouvernement s’est opposé à plusieurs amendements qui visaient à réprimer davantage les pratiques de pistage des internautes à base d'IP Tracking. Retour sur cet épisode.
« Plus on examine un bien sur un site Internet donné – prenons l’exemple d’un billet d’avion – et plus son prix risque d’augmenter artificiellement du fait de cette consultation. Le prix n’est plus établi en fonction de la confrontation de l’offre et de la demande, comme le désirent nos amis libéraux, mais il fluctue en fonction de l’intensité du besoin de la personne. » C’est en ces termes que le député André Chassaigne a décrit, jeudi 21 janvier, les pratiques « éminemment déplorables » de l’IP Tracking.
Sur le papier, l’objectif paraît effectivement limpide : jouer sur la psychologie et les habitudes des consommateurs, nos réflexes nous poussant à estimer qu'une hausse de tarif implique un nombre de places ou de produits disponibles plus réduit. Selon l’élu communiste, cette pratique est « communément employée sur les sites Internet d’achat et de réservation, notamment de billets d’avion, de billets de train et de chambres d’hôtel ». La CNIL et la brigade de répression des fraudes, la DGCCRF, affirmaient pourtant en 2014 n’avoir rien constaté de tel suite à une enquête conjointe visant des sites français de e-commerce.

Le parlementaire souhaitait également s’attaquer à une autre dérive commerciale, constatée cette fois par la CNIL et la DGCCRF : la modulation des prix en fonction de l’heure d’achat d’un bien, certains sites pratiquant des frais de réservation moins élevés durant les heures creuses.
André Chassaigne a ainsi défendu deux amendements visant à faire entrer dans le champ des pratiques commerciales trompeuses, passibles de peines pouvant aller jusqu’à deux ans de prison et 300 000 euros d’amende :
- Le fait « de collecter des données personnelles lors d’une connexion sur les réseaux de communications électroniques en vue d’augmenter artificiellement les prix d’un service ou d’une prestation en ligne à l’occasion d’une connexion ultérieure » (402).
- Le fait « de modifier les tarifs de vente selon l’heure à laquelle un internaute effectue son achat » (403).
L'exécutif estime que la législation actuelle est suffisante
Le gouvernement et le rapporteur Luc Belot (PS) y ont toutefois émis un avis défavorable. « Je comprends tout à fait votre raisonnement et je partage votre constat, monsieur le député (...). Tout le monde a été confronté à ce type de pratique » a reconnu la secrétaire d’État au Numérique, Axelle Lemaire. Mais l’intéressée a fait valoir que l’article du Code de la consommation relatif aux pratiques commerciales trompeuses permettait d’ores et déjà de réprimer ces méthodes, sur la base de « l’omission trompeuse ».
« Je vous demande pardon pour le jargon, mais il se trouve que la DGCCRF mène des enquêtes sur cette base juridique qui suffit pleinement à appréhender les phénomènes que vous avez décrits. La loi ne doit pas être bavarde, et c’est la raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement que je considère satisfait » a déclaré la locataire de Bercy. André Chassaigne a néanmoins maintenu ses amendements, qui ont été rejetés.