Netflix a présenté cette semaine ses résultats pour le quatrième trimestre. Le géant américain de la SVOD est toujours en pleine forme et vient de passer le cap des 70 millions d'abonnés payants dans le monde. Présent dans le monde entier, il vise désormais la place de premier service vidéo payant mondialisé.
Les affaires vont plutôt bien pour Netflix cette année. Ses activités n'ont cessé de croitre et les bénéfices, bien que maigres, sont toujours au rendez-vous. De plus, avec l'ouverture du service dans 190 pays (à l'exception notable de la Chine), les perspectives sont plutôt encourageantes pour l'entreprise.
70 millions d'abonnés, et moi et moi et moi ?
Avant de rentrer dans le dur côté financier, il convient de noter que cette année, Netflix a enregistré une forte croissance de son nombre d'abonnés payants. Celui-ci est passé de 54,5 millions fin 2014 à 70,8 millions au 31 décembre 2015, soit une progression de 30 % en 12 mois.
Cette hausse, Netflix la doit un peu au marché américain, où il compte désormais 43,4 millions de clients, contre 37,7 millions un an plus tôt, mais surtout à l'international où le service rencontre de plus en plus de succès. 10,6 millions de nouveaux clients hors États-Unis sont ainsi venus rejoindre le géant de la SVOD l'an passé. Une performance plus qu'honorable.
6,7 milliards de dollars de chiffre d'affaires annuel
Mécaniquement, avec une telle progression du nombre d'abonnés, le chiffre d'affaires de l'entreprise suit la même courbe. Au dernier trimestre, les revenus de Netflix s'élevaient donc à 1,82 milliard de dollars, contre 1,48 milliard un an plus tôt, soit une hausse de 23 %. Le bénéfice net s'élève quant à lui à 43 millions de dollars, contre 83 millions au quatrième trimestre de 2014, se réduisant approximativement de moitié.
Sur l'ensemble de l'année, la variation est du même ordre de grandeur. En 2014, Netflix enregistrait un chiffre d'affaires de 5,50 milliards de dollars, pour un bénéfice net de 267 millions de dollars. Cette année, les revenus ont grimpé à 6,78 milliards de dollars (+ 23 %) tandis que les bénéfices ont fondu à 123 millions de dollars (- 54 %).
Principale cause de cette réduction des profits, l'extension à l'international de la société. Si les revenus de la SVOD aux États-Unis permettent à la société de dégager de coquets bénéfices opérationnels (1,375 milliard de dollars l'an passé), en dehors de chez l'Oncle Sam, c'est un peu plus compliqué.
Les opérations internationales de Netflix affichent en effet des pertes opérationnelles de 333 millions de dollars en 2015, deux fois plus élevées qu'en 2014. Mais les résultats sont là : le service est présent dans pas moins de 190 pays.
Un service mondialisé qui doit (pour le moment) faire respecter des frontières
De quoi en faire un service mondialisé, capable de financer des contenus partout dans le monde, et de les diffuser partout dans le monde. Si les séries, les spectacles et les documentaires sont pour le moment le gros de la production maison, rien n'empêchera le géant de chercher à proposer des contenus qui ont un peu plus « l'aspect TV » afin de concurrencer directement le petit écran.
Devra-t-on s'attendre à des talk-show ou à des jeux sur Netflix ? L'avenir nous le dira. Pour le moment, l'urgence est ailleurs : la gestion des frontières. Car dans la gestion de ses contrats, le service de SVOD doit encore faire avec les règles qui lui sont imposées et avoir un catalogue différent dans chaque pays.
Cela implique aussi de respecter les engagements vis-à-vis des ayants droit, et donc de faire respecter ces « frontières ». Ainsi, si le partage d'un compte entre plusieurs personnes ne pose pour le moment pas de problème, ce n'est pas le cas de ceux qui utilisent des VPN ou d'autres solutions pour accéder au catalogue d'autres pays.
Quand ceux-ci étaient encore en nombre limité, cela ne constituait sans doute pas une réelle menace. Mais avec l'industrialisation permise par certains et des services comme Smartflix, Netflix ne pouvait sans doute pas rester sans réagir. Il a donc été décidé que la chasse aux utilisateurs de VPN allait être faite.
Les solutions seront sans doute complexes à mettre en place et les cas de faux positifs vont sans doute se multiplier. Cela a déjà fait réagir les éditeurs de solutions de VPN. Il faut dire qu'ils pourraient perdre une manne financière importante si l'accès à Netflix venait à être coupé à leurs clients.
Reste qu'il sera sans doute facile de contourner le problème, et Netflix pourrait, comme d'autres, décider d'appliquer le catalogue en fonction de la nationalité du compte et de la carte bancaire utilisée. Mais à terme, la solution est sans doute de négocier un droit de diffusion mondial pour une bonne partie de ses contenus, vidant au passage d'autant le potentiel des chaînes locales de s'approvisionner en séries et autres documentaires.
6 milliards de dollars pour les contenus en 2016 : rien de neuf sous le soleil
Lors du CES, Netflix a d'ailleurs fait savoir au monde que l'entreprise comptait dépenser 6 milliards de dollars pour l'acquisition de contenus en 2016. Présentée telle qu'elle la nouvelle pouvait laisser entendre que le géant de la SVOD allait accélérer ses investissements dans ce domaine, en pratique cela n'est pas vraiment le cas.
Comme nous le notions lors des résultats du trimestre précédent, l'entreprise a déjà mis un grand coup de collier de ce côté-là en 2015. En effet, sur l'ensemble de l'année, Netflix a déboursé très exactement 5,772 milliards de dollars pour ses « ajouts de contenus pour le streaming », soit 1,999 milliard de plus qu'en 2014. En d'autres termes, Netflix a déjà fait les efforts nécessaires cette année, il ne lui reste plus qu'à maintenir ce cap, tout en laissant sa base d'abonnés grandir.
Il reste cependant à voir si ces investissements qui étaient suffisants pour convenir aux besoins d'un nombre relativement restreint de marchés, permettront d'en faire autant avec 190 pays aux habitudes de consommations parfois très différentes. Réponse dans les prochains trimestres. Mais comme le précise Ted Sarandos, le responsable des contenus de Netflix : « Plus on propose de contenus différents, plus on a de chances de tomber sur quelque chose d'indispensable à quelqu'un, qui devient alors susceptible de s'abonner ».
Time Warner Cable aimerait couper le robinet des contenus
Lors d'une entrevue organisée avec un journaliste de Re/Code et un analyste de Morgan Stanley en marge de la présentation des résultats, la direction de Netflix a fait savoir que la nature des investissements dans les contenus variera, afin de se tourner de plus en plus vers des programmes originaux produits par l'entreprise. Un choix en partie dicté par le fait que certains grands producteurs de contenus ont de moins en moins envie de faire affaire avec le géant de la SVOD, Time Warner en tête.
Le câblo-opérateur américain a en effet fait savoir en novembre dernier, lors de la présentation de ses résultats trimestriels qu'il n'excluait pas de changer de stratégie vis-à-vis des contenus qu'il produit. « Nous évaluons plusieurs options, dont conserver nos droits plus longtemps ou retarder certaines licences pour notre contenu. Cela pourrait effectivement amener la fenêtre de diffusion de nos contenus sur nos réseaux sur une période pluriannuelle, plus cohérente avec la syndication traditionnelle », expliquait ainsi Jeff Bewkes, le PDG de Time Warner.
Concrètement, Time Warner veut rendre l'accès à ses meilleurs contenus moins faciles via Amazon, Hulu ou Netflix, parce qu'elle ne veut pas encourager ses abonnés à souscrire aux offres concurrentes, alors que les mêmes programmes sont disponibles plus tôt dans des bouquets de chaînes maison, vendu à prix d'or. Une idée que d'autres chaînes câblées (AMC, HBO...) pourraient être tentées de suivre elles-aussi. On comprend ainsi mieux pourquoi Netflix annonce fièrement vouloir produire plus de 600 heures de contenus maison cette année et vouloir à terme, proposer plus de contenus originaux que de contenus sous licence.
Netflix « pas pressé » de s'établir en Chine
Il reste une question épineuse pour Netflix, celle du marché chinois. Celui-ci renferme plusieurs centaines de millions de clients potentiels pour le service de SVOD, une manne inespérée pour soutenir sa croissance, pour l'instant totalement inexploitée, à cause de ses particularités.
Pour s'établir dans l'empire du milieu, Netflix doit établir un partenariat avec un acteur local, par exemple sous la forme d'une coentreprise. Or de l'aveu de Reed Hastings, de nombreuses discussions sont en cours à ce sujet, mais le PDG de Netflix ne semble pas avoir trouvé chaussure à son pied et ne veut rien précipiter.
« Nous regardons cela sur le long terme. Les discussions peuvement prendre des années ou aboutir plus vite mais nous voulons prendre notre temps. L'exemple le plus clair reste celui de l'iPhone, où Apple a mis plusieurs années à obtenir les autorisations nécessaires, et aujourd'hui, c'est quand même un énorme marché pour eux », ajoute le dirigeant. « C'est comme cela que nous voyons les affaires, en regardant des décénies devant nous. Maintenant nous devons être patients, continuer de construire nos relations sur place, écouter et apprendre. Nous ne sommes pas pressés ».
À Wall Street, ces résultats ont été quoi qu'il en soit très bien accueilli, l'action Netflix profitant d'une hausse de 3,7 % en deux séances d'affilée. Le géant américain de la SVOD est désormais valorisé à près de 44 milliards de dollars, soit plus du double qu'un an plus tôt.