Au Forum international sur la cybercriminalité, Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, a assuré que « Daesh se sert d’Internet et des réseaux sociaux comme un puissant critère d’influence ». Il a détaillé plusieurs mesures à propos de cette « guerre totale », « que nous gagnerons ».
À Lille, le locataire de la place Beauvau a avant tout décrit « le caractère inédit et la force réticulaire de nos ennemis ». Un terrorisme de proximité, recrutant ses activistes dans les milieux qu’il entend frapper, et marqué par « le développement de l’Internet 2.0 qui permet la constitution de communautés numériques » soit, dans son esprit, autant de lieux où se structure l’identité des individus...
Retrait et déréférencement généralisés à l’échelle européenne ?
Pour entraver la propagation de la parole terroriste, Bernard Cazeneuve a longuement insisté sur les actions faites en amont visant à contrecarrer les potentiels passages à l’acte. Ainsi, dans le cadre des décrets d’application de la loi contre le terrorisme, les services de l’OCLCTIC ont mis en œuvre des procédures de retrait et de déréférencement, voire de blocage d’accès. Et pas qu’un peu : le ministre a fait état l’an passé de 1 000 demandes de retraits et de déréférencement et 283 blocages de sites (de terrorisme, ou de pédopornographie).
Sur la plateforme Pharos, 32 000 signalements pour propagande terroriste ont été reçus, notamment après les attentats de Charlie Hebdo, sans qu’on sache cependant l’ensemble des suites judiciaires qui en furent données. Après les attentats du Bataclan, le mouvement a été d’une moindre ampleur, mais peu importe : « cela illustre l’influence et la malignité de nos ennemis ».
Le ministre souhaite ainsi généraliser ces procédures à l’échelle européenne. Une unité visera à terme à traiter et faire supprimer l’ensemble des contenus illicites « sur Internet et les réseaux sociaux », plaide-t-il.
La coopération des acteurs du Net
Ce traitement en amont passe également par la coopération des acteurs de la société du numérique : Par exemple, 90 procédures ont été initiées sur la base des signalements Pharos faits via une réponse des opérateurs, suite à des réquisitions judiciaires. Bernard Cazeneuve a particulièrement applaudi le rôle des services en ligne « pour leur mobilisation à nos côtés en ces heures tragiques », rappelant notamment son voyage en Californie l’an passé pour y rencontrer les grands acteurs du secteur afin d’explorer « la voie d’une coopération renforcée ».
Cette collaboration prend concrètement la forme d’une plateforme de bonnes pratiques visant à fluidifier les signalements. Elle a permis d’améliorer le contenu des demandes adressées aux opérateurs, soit pour les procédures de retrait, soit dans les enquêtes en cours. Pour cette labellisation des demandes, « nous avons adapté nos logiciels et nos circuits de validation ».
L’entente cordiale nécessite visiblement de nouveaux échanges puisque le ministre a annoncé un nouveau voyage aux États-Unis, peut-être le mois prochain, afin « d’actualiser le niveau de notre collaboration ».
Et pour démontrer plus en avant sa volonté de traiter ces problèmes au plus tôt, la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité (qui intègre Pharos et l’OCLCTIC) a vu ses effectifs atteindre les 100 personnes, contre 60 voilà un an.
NeoGend et l’exploitation du Big Data
Dernière annonce : la généralisation à venir du dispositif NeoGend, qui vise à doter les gendarmes de tablettes et smartphones avec des solutions de transmission sécurisées (voir notre article). Testé dans le Nord depuis septembre 2015, l’opération attaquera sa seconde phase d’expérimentation, avec d’ici la fin de l’année, 60 000 équipements opérationnels déployés sur tout le territoire.
Un autre sujet marque l’intérêt de l’exécutif sur les nouvelles technologies : « l’exploitation de grands volumes de données dans le cadre de l’Open Data ou dans le système d’information du ministère de l’Intérieur ». Le Big Data à des fins (presque) prédictives est l’un des sujets d’exploration du service de renseignement criminel à Cergy-Pontoise. Nous y reviendrons prochainement plus en détail.
Pour les victimes, la Place Beauvau a reçu aussi plusieurs propositions venant d’un groupe de travail associant le cyberpréfet et l’ANSSI. Elles viseront par exemple à identifier une série de partenaires locaux pour aider les entreprises victimes de cyberattaques à trouver un accompagnement et une meilleure information.
Plus juridiquement, le prochain projet de loi sécuritaire sera présenté le 3 février prochain en Conseil des ministres. On le sait, il s’agira d’adapter encore les procédures judiciaires face à la cybercriminalité. L’un des enjeux : permettre le recueil le plus rapidement possible des données nécessaires aux investigations, et ce auprès des acteurs étrangers. D’autres dispositions sont programmées pour faciliter le travail des enquêteurs notamment sur la territorialité des procédures, lorsqu’une victime réside en France.