En dépit de l’avis défavorable du gouvernement, les députés ont adopté la semaine dernière un amendement qui permettra à certaines associations de saisir la justice en cas de revendications abusives de droits d’auteur sur des œuvres appartenant au domaine public.
La Quadrature du Net, Wikimédia France ou Regards Citoyens pourront-ils bientôt traîner devant les tribunaux des personnes ou organisations soupçonnées de « copyfraud » ? C’est en tout cas l’objectif de l’amendement défendu jeudi 21 janvier par les écologistes dans le cadre des débats sur le projet de loi numérique. Toute association régulièrement déclarée depuis au moins deux ans et se proposant, par ses statuts, de « protéger la propriété intellectuelle, de défendre le domaine public ou de promouvoir la diffusion des savoirs » pourra saisir le tribunal de grande instance « afin de faire cesser tout obstacle à la libre réutilisation d’une œuvre entrée dans le domaine public ».
« Ces actions de copyfraud peuvent être le fait de particuliers ou d’institutions, par exemple des musées, qui prétendent interdire la libre réutilisation d’œuvres dont elles assurent la conservation » a expliqué la députée Isabelle Attard dans l’hémicycle. L’élue a raconté que lorsqu’elle était fonctionnaire, sa hiérarchie l’avait obligée à exiger des droits de propriété intellectuelle sur des images « d’un bien appartenant au domaine public depuis plus de 1 000 ans », la Tapisserie de Bayeux. Les exemples en la matière sont d’ailleurs assez nombreux, certains musées n’hésitant pas à mettre sous copyright des photos de leurs collections (voir, sur ce sujet, cet article).
Si le rapporteur Luc Belot (PS) a donné un avis favorable à cet amendement, estimant qu’il représentait « une avancée », Axelle Lemaire n’a pas eu du tout le même avis. « Le gouvernement est défavorable à cet amendement qui rouvre pour partie le débat sur les communs. Ma position a été claire sur ce sujet : ester en justice pour faire reconnaître un domaine dont les contours juridiques ne sont pas encore précisés, c’est finalement rouvrir ce débat, contre le choix exprimé par la majorité des députés. J’en appelle donc à la cohérence des votes. » Mais si les députés ont effectivement refusé de poser une définition positive du domaine commun informationnel, ils ont néanmoins adopté cet amendement écologiste. Sa portée pourrait toutefois être limitée dans la mesure où ces procédures ne permettront pas d'obtenir une réparation du préjudice subi.