Sous couvert de lutter contre l’abstention, le député Frédéric Lefebvre a déposé la semaine dernière une proposition de loi visant à généraliser le vote par Internet d’ici aux élections de l’année prochaine. Le gouvernement y est cependant opposé, au nom des risques d’atteintes au secret et à la sincérité du scrutin.
Le député des Français d’Amérique du Nord remet la question du vote électronique sur la table, à l’appui d’un sondage laissant entendre que plus d’un abstentionniste sur deux pourrait se rendre aux urnes s’il était possible de le faire en quelques clics. Frédéric Lefebvre met en avant cette enquête réalisée l’année dernière pour Le Parisien, et selon laquelle 58 % des personnes ayant déjà boudé des élections auraient « certainement » ou « probablement » exercé leur devoir de citoyen si le vote électronique avait alors été autorisé.
Alors qu’aujourd’hui, seuls les Français de l’étranger peuvent – pour certains scrutins uniquement – voter par Internet, l’élu Les Républicains voudrait que tous les citoyens puissent avoir recours au vote électronique, et ce pour tous les scrutins à venir : présidentielles, législatives, régionales... Au-delà de ses prétendus effets sur la participation, ce procédé présente selon le député des avantages « non négligeable[s] » : « simplicité du vote », « facilité d’accès au scrutin », par exemple pour les personnes à mobilité réduite ou handicapées, « instantanéité de la prise en compte du suffrage »... Bref, pour Frédéric Lefebvre, « cette proposition devrait rassembler tous ceux qui se battent pour la démocratie, au-delà des clivages ».
L’ANSSI confirme « l’existence d’un risque d’atteinte au secret et à la sincérité du vote »
La proposition de loi du parlementaire n’a cependant que très peu de chances d’aboutir. Non seulement parce que 2017 approche à grands pas, mais aussi – et surtout – parce que la majorité a déjà écarté un texte similaire de l’opposition en octobre 2014 (voir notre article). Frédéric Lefebvre semble d’ailleurs conscient de ces difficultés, puisqu’il a soutenu la semaine dernière un amendement au projet de loi numérique visant à ce que le gouvernement prépare un rapport « sur l’instauration du vote pour toutes les élections, par voie électronique ». Le député n’a pas manqué de souligner qu’Axelle Lemaire s’était dite « favorable » à l’extension du vote par Internet, suite au fameux sondage du Parisien.
Abstention: un électeur sur deux favorable au vote sur internet https://t.co/v8APAQ7Vtx via le_parisien > j'y suis aussi favorable. Et vous?
— Axelle Lemaire (@axellelemaire) 5 Novembre 2015
Sur le banc du gouvernement, la secrétaire d’État au Numérique a dès lors été contrainte de s’expliquer : « J’ai consulté l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information [l’ANSSI, ndlr], à la suite de la campagne que vous avez lancée avec beaucoup d’enthousiasme. Elle a confirmé l’existence d’un risque d’atteinte au secret et à la sincérité du vote, garanti par l’article 3 de la Constitution. »
Tout en soutenant que le vote électronique constituait à ses yeux « une piste d’avenir », Axelle Lemaire a clairement affirmé que « les conditions de sécurité ne sont pas réunies pour élargir et généraliser ce type de vote » aujourd’hui en France. La locataire de Bercy a invité Frédéric Lefebvre à se pencher sur les conclusions du rapport des sénateurs Alain Anziani (PS) et Antoine Lefèvre (LR) – dans lequel on peut d’ailleurs lire que « force est de constater que l’introduction du « vote par Internet » n’a pas permis d’élever notablement le taux de participation aux élections organisées hors de France ». Son amendement a finalement été rejeté.