Bientôt une nouvelle mission dans les cordes de la Hadopi ? Le rapporteur du projet de loi Création, Jean-Pierre Leleux, veut que la Haute autorité soit désormais en charge des études d’usages qui servent à déterminer les barèmes de la redevance copie privée.
Pour mémoire, ces études, aujourd’hui financées par les ayants droit, permettent de jauger les pratiques de copie par support et type d’œuvre. De là, les 12 ayants droit, les 6 consommateurs et les 6 industriels qui siègent en Commission copie privée votent des barèmes qui sont ensuite affectés aux supports considérés.
2,3 millions pour la Hadopi
Dans son amendement, le sénateur Leleux veut sortir de cette logique un peu étrange qui, chez les nez sensibles, fleurerait presque avec le conflit d’intérêts. Il compte en effet confier la réalisation de ces études dans les mains de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet.
Mieux, pour ne pas raboter le budget de cette dernière, il est prévu que les sociétés d’ayants droit bénéficiaires reverseraient 1% des flux de la redevance au financement de ces études d’usages réalisées par la Hadopi. En retenant les chiffres de 2014 (230 millions d’euros), cela représenterait un bonus de 2,3 millions pour la Rue de Texel.
Si le rapport Rogemont sur la copie privée avait suggéré pareilles pistes, le rapporteur du projet de loi Création au Sénat est plus directif. Il encense la Hadopi pour son indépendance « au regard de la commission de la copie privée et son expertise en matière d’observation et d’évaluation des pratiques culturelles en ligne ».
Une Hadopi jugée indépendante
Selon lui, en effet, toutes ces qualités « plaident pour lui confier cette mission, dans le respect du cahier des charges imposé par la commission ». Le même élu note d’ailleurs que « le premier motif d’annulation, par le Conseil d’État, de plusieurs décisions relatives aux barèmes, prises par la commission en 2006, 2007 et 2008, tenait au fait que n’avaient pas été exclues de l’assiette de la rémunération les copies illicites d’œuvres. La part respective, pour chaque support, des usages licites et illicites de copies privées n’avait pas été recherchée dans le cadre d’une étude. Cette différenciation n’est certes pas évidente ; or, la Hadopi la maîtrise parfaitement. »
Dans cet autre amendement, il complète enfin les missions de la Hadopi par la réalisation de ces études d’usage
Une première étude de la Hadopi
Cette piste n’est pas nouvelle (voir notre actualité). Dans une première analyse sur la copie privée menée par la Haute Autorité, à la demande du député Marcel Rogemont, celle-ci avait considéré que les actuelles études de la commission copie privée sont certes « complètes et robustes », mais souffrent d’une méthodologie un peu lacunaire. Comme nous le relations en août dernier, elles reposent « sur une démarche déclarative où le sondé doit se souvenir de ses habitudes de consommation sur les derniers mois. En outre, pour les copies de films, la valeur de référence retenue dans les différents calculs correspond à une moyenne entre le prix d’un film en DVD et Blu-ray et le prix d’un film pour une famille de 4 personnes dans le cadre d’une exploitation en salle (18,40 euros) ». Pour la Hadopi, « prendre en référence le prix de la vente physique (…) n’est plus adapté au regard du développement du marché numérique. »
La même autorité taclait en outre les méthodes d’extrapolation et la petite cuisine des abattements : entre les murs de la Commission copie privée, elles sont jugées éloignées de toute logique mathématique, parasitées par des négociations à l’équilibre subtil, entre ces 12 ayants droit bénéficiaires, et les deux autres collèges de 6 personnes redevables.