Durant l’examen du projet de loi Lemaire, les députés ont revu hier la formation à l'utilisation du numérique prévue par le Code de l’éducation. L’enjeu ? Sensibiliser les élèves à l’égalité entre les femmes et les hommes, mais aussi à la lutte contre les violences sur Internet.
En janvier 2015, peu après les attentats de Charlie Hebdo, le président de la République avait annoncé que, de la primaire à la terminale, les élèves profiteraient d’un enseignement civique et moral, abordant notamment l’éducation aux médias. Cet enseignement devait amener les jeunes à « devenir des citoyens responsables et libres, à se forger un sens critique et à adopter un comportement réfléchi ». Comment ? En traitant de « toutes les problématiques : la lutte contre le racisme, contre l'antisémitisme, contre les préjugés, contre toutes les formes de discriminations, les notions de droits et de devoirs, le principe de laïcité », etc.
Un article, trois versions précédentes
À l’occasion des débats sur le projet de loi d’Axelle Lemaire, les députés ont adopté hier un amendement pour accompagner ce plan. Il vise à modifier l’article L 312-9 du Code de l’éducation. Cet article, pour mémoire, avait déjà été revu lors de la loi Hadopi qui lui avait donné alors un sens très connoté en faveur de la protection de la propriété intellectuelle.
Version initiale (2000)
« Tous les élèves sont initiés à la technologie et à l'usage de l'informatique. »
Version loi Hadopi (2009)
« Tous les élèves sont initiés à la technologie et à l'usage de l'informatique.
Dans ce cadre, notamment à l'occasion de la préparation du brevet informatique et internet des collégiens, ils reçoivent de la part d'enseignants préalablement sensibilisés sur le sujet une information sur les risques liés aux usages des services de communication au public en ligne, sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d'œuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou un droit voisin pour la création artistique, ainsi que sur les sanctions encourues en cas de délit de contrefaçon. Cette information porte également sur l'existence d'une offre légale d'œuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou un droit voisin sur les services de communication au public en ligne. »
Version neutralisée (2013)
« La formation à l'utilisation des outils et des ressources numériques est dispensée dans les écoles et les établissements d'enseignement ainsi que dans les unités d'enseignement des établissements et services médico-sociaux et des établissements de santé. Elle comporte une sensibilisation aux droits et aux devoirs liés à l'usage de l'internet et des réseaux, dont la protection de la vie privée et le respect de la propriété intellectuelle. »
L'égalité et la lutte contre les cyberviolences ajoutée à la formation au numérique
En 2013, la disposition avait donc été neutralisée par la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République. Depuis, la propriété intellectuelle a été reléguée au même niveau que la sensibilisation aux droits et aux devoirs, dont la protection de la vie privée.
Cependant, hier, avec le vote de cet amendement socialiste, un fléchage plus précis a été programmé dans ces formations au numérique (en gras) :
« La formation à l'utilisation des outils et des ressources numériques est dispensée dans les écoles et les établissements d'enseignement ainsi que dans les unités d'enseignement des établissements et services médico-sociaux et des établissements de santé. Elle comporte une sensibilisation aux droits et aux devoirs liés à l'usage de l'internet et des réseaux, dont la protection de la vie privée, le respect de la propriété intellectuelle et de l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la lutte contre les violences commises au moyen d’un service de communication au public en ligne. »
En clair, si cette version se maintient, les élèves seront sensibilisés aux droits et devoirs, à la vie privée, à la propriété intellectuelle, mais aussi à l’égalité et à la lutte contre les cyberviolences, le tout dans leur formation aux ressources numériques.
Cette adjonction avait été suggérée en décembre dernier par le rapport d’information de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Dans son avis sur le projet de loi Lemaire, il estimait nécessaire de « poursuivre et développer les actions de prévention et de sensibilisation aux cyberviolences » en modifiant le Code de l’éducation afin d‘aider les élèves « à développer un regard critique sur les médias et les sensibiliser aux traces numériques, aux usages responsables d’internet, et plus largement les droits et libertés à l’ère du numérique – dont la prise en compte de l’objectif d’égalité femmes-hommes et la prévention des violences, qu’elles soient physiques, psychologiques ou commises par internet, réseaux sociaux ou téléphone, et notamment celles en direction des femmes et des jeunes filles » (recommandation 15).
En séance, Catherine Coutelle (PS), auteure du rapport, a jugé ces précisions comme « une bonne chose », ajoutant que « parfois les jeunes qui sont sur Internet s’imaginent sur un espace privé, et n’imaginent pas les conséquences de ce qu’ils peuvent envoyer ou dire ». L’amendement a reçu l’avis favorable du rapporteur au motif que l’outil numérique est parfois utilisé « pour des éléments extrêmement bas ». Même avis d’Axelle Lemaire : regrettant la « quasi-absence de femmes dans le secteur », la secrétaire d'État a salué cette entrée du respect de l’égalité dans la formation aux outils et des ressources du numérique.