Les députés ont rejeté hier soir un amendement qui aurait contraint les administrations à indiquer qu’une décision individuelle a été prise sur le fondement d’un traitement algorithmique. Le débat n'est toutefois pas complètement clos.
Alors que de nombreuses décisions administratives sont aujourd’hui prises par voie informatique (calcul d’allocations, affectation d’enseignants...), l’article 2 du projet de loi Lemaire permet au citoyen de demander la communication des « principales caractéristiques » de mise en œuvre d’un traitement algorithmique ayant conduit à une décision le concernant. Si les modalités d’application de ces dispositions devront être précisées par décret, le gouvernement indique dans son étude d’impact qu’il sera ainsi possible de savoir « quel est le fonctionnement du traitement, quelles règles et bases de calcul ont été utilisées, quels paramètres ont été mis en œuvre... »
Sauf que pour demander à connaître ces informations, encore faudra-t-il savoir qu’une décision a été prise sur le fondement d’un traitement algorithmique... Plusieurs députés Les Républicains, menés par Patrice Martin-Lalande, ont ainsi demandé à ce que l’administration informe systématiquement de l’existence d’un tel traitement dans ses retours aux citoyens.
Axelle Lemaire s’est cependant opposée à cet amendement, la secrétaire d’État au Numérique craignant que cette obligation d'information « crée une charge nouvelle qui soit excessive pour les administrations en leur imposant de retracer, pour chaque décision, l'existence ou non d'un algorithme ». Ce à quoi le député Martin-Lalande a rétorqué que l’apposition d’un logo avertissant de l’existence d’un algorithme « suffirait » pour avertir les individus souhaitant se renseigner davantage. « Je suis certaine qu'il est beaucoup plus simple pour les administrations d'avoir une mention qui explique que la décision a été prise sur la base d'un algorithme que d'avoir à traiter des demandes individuelles d'information une par une », a par ailleurs soutenu la socialiste Delphine Batho.

La locataire de Bercy n’a néanmoins pas lâché de lest. Selon Axelle Lemaire, il est préférable que les administrations jaugent au cas par cas de l'opportunité d'informer systématiquement les individus : « Il s'agit de ne pas imposer par la loi une obligation de manière aveugle et généralisée. Je crois qu'il faut faire confiance aux administrations pour décider elles-mêmes des moments où il sera utile de recourir à ce procédé. »
Vers une mise en Open Data des « règles algorithmiques » de l'administration ?
Considéré de surcroît comme mal rédigé par le rapporteur Luc Belot, l’amendement de Patrice Martin-Lalande a finalement été rejeté par l’Assemblée nationale. « Je préfère que la décision ne soit pas notifiée à chaque fois, mais bien qu'il y ait une information générale – et on y reviendra tout à l'heure » a ajouté l’élu socialiste, en référence à un autre amendement soutenu par le député Christian Paul (PS). Ce dernier souhaite en effet que les administrations mettent en ligne, dans un standard ouvert et aisément réutilisable, « les règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l’accomplissement de leurs missions ». Selon son exposé des motifs, les règles de calcul de l’impôt sur le revenu ou celles de traitement des inscriptions dans les lycées ou les universités seraient notamment concernées.
Afin d’éviter « l'opacité et l'arbitraire », Christian Paul juge qu’il serait « sans doute de meilleure administration publique – et ça simplifierait au fond l'ensemble des démarches – si la règle était la publication des règles algorithmiques (...) avant même toute décision individuelle ». Mais si le citoyen aurait effectivement ces informations à disposition directement sur Internet, le périmètre des deux dispositifs s’avère différent : celui de l’article 2 du projet de loi Lemaire vise les « principales caractéristiques [de] mise en œuvre » des traitements algorithmiques, tandis que Christian Paul se penche sur les seules « règles algorithmiques »...
Les débats devraient ainsi reprendre de plus belle cet après-midi, cet amendement n’ayant finalement pas été examiné hier soir.