Deux amendements à la loi Lemaire sur le numérique proposent des mesures demandées de longue date par certains. Le premier veut ainsi imposer que tout terminal vendu en France dès 2018 soit compatible IPv6, quand le second doit inscrire dans la loi la distinction entre fibre jusqu'à l'abonné (FTTH) et les autres « fibres », dont le câble.
Les débats sur la loi Lemaire en séance publique débutent cet après-midi et de nombreux amendements doivent encore être débattus dans les prochains jours. Parmi eux, deux doivent concrétiser des promesses de longue date : imposer l'usage d'IPv6 et différencier les connexions en fibre jusqu'à l'abonné (FTTH) du câble (FTTB ou FTTLA) dans les publicités. S'ils vont dans le bon sens, ils doivent tout de même passer la validation par le parlement.
Imposer IPv6 sur les terminaux dès 2018
Dans un amendement déposé samedi, la députée Corinne Erhel veut ainsi imposer que tout terminal vendu ou loué en France dès le 1er janvier 2018 soit compatible avec IPv6. Le but, bien entendu, est d'éviter à avoir à gérer trop longtemps la pénurie d'adresses IPv4, alors que les objets connectés commencent à se multiplier sur le réseau.
« La France est en retard sur le sujet faute de volontarisme en la matière » estime d'ailleurs la députée, pour qui il faut contraindre opérateurs et équipementiers à le déployer. Une proposition de loi, poussée par une vingtaine de députés à la mi-2014, voulait déjà l'imposer à la mi-2015, sans résultat. Fin 2014, le gouvernement, lui, bottait en touche à une question de Corinne Erhel sur la question.
Aujourd'hui, les principales ressources publiques d'adresses IPv4 sont épuisées et les réseaux actuels fonctionnent sur leurs réserves. Certaines institutions se mettent d'ailleurs à la revente de leurs blocs inutilisés. Selon les dernières statistiques de Google, à peine 10 % des internautes se connectent à ses services via IPv6. Selon le groupe, contre seulement 5 % environ en France. Si la courbe grimpe, la transition pourrait tout de même être douloureuse pour certains acteurs.
Le chantier IPv6 est déjà en marche depuis quelques années chez l'ensemble des opérateurs, mais les résultats peuvent varier, notamment en fonction de l'âge du réseau. Orange, par exemple, a longtemps été contraint par des équipements ADSL vieillissants, qui mettent du temps à être renouvelés. Des solutions d'attente sont donc préparées, comme mettre plusieurs abonnés derrière chaque adresse IPv4, via des solutions comme le CGNAT. Un problème que la Hadopi a voulu anticiper dès 2013, en demandant que le port utilisé soit pris en compte dans les signalements.
Différencier la fibre jusqu'à l'abonné de la « fibre* »
Le second amendement, soutenu par 12 députés, veut lui en finir avec la confusion entre fibre jusqu'à l'abonné (FTTH) et câble. Pour rappel, Numericable-SFR clame disposer d'un des réseaux « fibre » les plus importants de France, via son réseau de câble modernisé (FTTB et FTTLA), qui s'arrête généralement au pied de l'habitation, pour finir en câble jusqu'à l'abonné. Dans ses documents, le régulateur des télécoms, l'ARCEP, fait d'ailleurs officiellement la différence.
La méthode de Numericable-SFR ne plaît pas aux concurrents, qui ont multiplié les attaques contre le câblo-opérateur ces dernières années. « Aujourd'hui nous sommes gênés quand des diapositives présentent comme fibre ce qui est en fait du câble » déclarait le directeur général d'Iliad, Maxime Lombardini. Iliad (Free) avait d'ailleurs demandé au gouvernement un arrêté à Bercy pour imposer cette différence. Le FAI aurait même attaqué en justice son concurrent à ce propos, pendant qu'Orange vante sa « fibre 100 % fibre ».
L'amendement déposé vendredi veut donc imposer de signaler la technologie en bout de ligne. « Lorsque le support physique d’une technologie d’accès est mentionné dans la publicité, il doit être celui du raccordement final jusque dans le domicile » doit-il ajouter à la loi. Comme l'indiquent les députés, le câble offre des débits montants et descendants moindres et des performances en chute en heure de pointe. « La qualification d’une offre en « fibre optique » ne peut provenir du fait qu’elle repose sur un réseau « comportant une partie fibrée » » résument-ils.
Cet amendement n'est pourtant pas sûr d'être adopté. Il s'agit en fait d'une version remaniée d'un précédent amendement présenté en début de mois, rejeté. Il faudra donc voir si les députés seront plus cléments avec le nouveau texte en séance publique.