Après TF1, Canal+ notamment, voilà la Radio Télévision Suisse qui s’en prend à l’auteur du logiciel Captvty. Elle vient de lui adresser un courrier pour lui demander de retirer ses émissions de son offre de programmes accessible depuis cet agrégateur de liens aux capacités juges un peu trop vastes.
Captvty est une solution logicielle qui « interroge les sites Web des chaînes et propose une liste des vidéos qui sont en libre accès sur ces sites, exactement comme le feraient Internet Explorer, Firefox, Chrome, Safari, Opera ou n’importe quel autre navigateur » explique Captvty.fr. L’utilisateur peut alors visionner ce programme voire télécharger la vidéo correspondante. Pour ce faire, il « se connecte par l’intermédiaire du programme au site de la chaîne sélectionnée et télécharge le fichier correspondant sur son ordinateur, en suivant simplement le lien d’accès à la vidéo proposé par ledit site. »
De multiples violations
Seulement, pour la Radio Télévision Suisse (RTS), cette solution serait en indélicatesse avec les règles suisses, spécialement pour les films, les séries et les manifestations sportives : « les contrats qui autorisent la RTS à mettre à disposition ces contenus sur Internet interdisent expressément le téléchargement et limitent l’accès aux personnes résidant sur le territoire suisse ». Par ailleurs, note-t-elle dans ce courrier adressé à l’auteur du logiciel le 11 janvier 2016, « ces contrats n’autorisent l’accès aux programmes que pendant une durée limitée et excluent toute mise à disposition de ces derniers sur d’autres plateformes que le propre site web de la RTS. »
Il y aurait violation également de ses droits exclusifs et des conditions générales d’utilisation, spécialement celles qui prohibent « toute reproduction (y compris par téléchargement, impression, etc.), représentation, adaptation, modification, traduction, transformation, diffusion, intégration dans un autre site. »
Enfin, Captvty ne respecterait pas le droit suisse, d’une part parce qu’il contourne les mesures techniques de protection mises en place pour empêcher le téléchargement, d’autre part parce que la loi fédérale sur le droit d’auteur conditionne le droit de retransmettre « simultanément et sans modification des programmes télévisés » à une autorisation d’exploitation payante, délivrée par Suissimage.
Un simple agrégateur de liens vers des contenus non protégés
Selon un test rapide, certaines émissions de TV de la RTS sont bien accessibles sur le territoire français depuis un simple navigateur et le site officiel de la chaîne. Et ces mêmes émissions le sont également sur Captvty, contrairement aux journaux d'informations qui sont géoterritorialisés... Dans sa réponse à la RTS, l’auteur du logiciel indique surtout que sa solution « est un agrégateur de liens vers des contenus licites non protégés, et non une plateforme de mise à disposition de programmes. Il s’apparente aussi à un magnétoscope et permet à l’internaute d’exercer son droit à la copie privée d’œuvres légalement publiées. »
Il conteste donc contourner les mesures de protection expliquant qu’un contenu disponible en streaming est toujours susceptible d’être téléchargé : « Nous ne nous attarderons pas sur les CGU du site Web de la RTS : leur mise en ligne ne suffit pas à créer pour les utilisateurs des obligations de nature contractuelle. Et sachez enfin que nous ne sommes en aucune façon concernés par les contrats que vous signez avec vos partenaires et qui n’engagent que vous ». Dans son courrier, il considère même que « les allégations mensongères » adressées à OVH, hébergeur de captvty.fr, s’apparentent à de « la calomnie », réprimée par le Code pénal suisse.
À l’égard de l’ensemble des chaînes de l’UE, la FAQ rappelle aussi l’arrêt Svensson de la Cour de justice de l’Union européenne sur la liberté d'intégration des vidéos. Selon cette décision de février 2014 confirmée en 2015, la fourniture d’un lien ne constitue pas un acte de communication au public lorsqu’il s’agit du même public. Il ne peut donc y avoir contrefaçon sur ce terrain, du moins pour les pays tombant dans les mailles de cette jurisprudence. Ajoutons qu'en France, les éditeurs et distributeurs de services de TV « ne peuvent recourir à des mesures techniques qui auraient pour effet de priver le public du bénéfice de l’exception pour copie privée, y compris sur un support et dans un format numérique. »