Dans l’avant-projet de loi Taubira révélé la semaine dernière par Mediapart, une mesure va étendre la compétence pénale des juridictions française dès lors qu’une infraction est commise à l’encontre d’un Français ou d’une entreprise ayant son siège dans le pays.
Dans son rapport sur la lutte contre la cybercriminalité (p.211 et s.), le magistrat Marc Robert avait regretté qu’en l’état actuel de notre droit, la compétence des juridictions françaises soit seulement reconnue si la victime porte plainte, même si le lieu de commission de l’infraction est extérieur au territoire français. (art. 113-7 du Code pénal). Dans les autres cas, il faut en effet que l’un des éléments constitutifs de l’infraction ait eu lieu en France. Le souci est que la plainte préalable n’est pas toujours déposée. De plus, « il n’est pas toujours possible de trouver un élément constitutif commis en France pour fonder la compétence de la loi nationale. »
Lever les doutes, notamment concernant la contrefaçon
Le même Marc Robert ajoutait que « même si la jurisprudence adopte, généralement, une conception extensive, en retenant ordinairement la compétence des juridictions françaises dès lors que les contenus illicites diffusés via Internet sont accessibles en France, des doutes subsistent encore pour d’autres infractions, notamment la contrefaçon ».
Dans l’avant-projet de loi « renforçant la lutte contre le crime organisé et son financement, l’efficacité et les garanties de la procédure pénale », les doutes sont levés. Ce prochain texte sécuritaire sur la rampe, annoncé à la veille de Noel, une solution est inspirée des recommandations du rapport Robert : tout crime ou délit puni d’une peine d’emprisonnement réalisé sur Internet, quelle que soit la localisation de ses éléments constitutifs, sera réputé réalisé en France dès lors qu’il vise une personne physique résidant en France ou une personne morale qui a son siège. Cela vaudra pour tous les crimes et délits punis d’une peine de prison, notamment donc pour la contrefaçon.
Mieux lutter contre le piratage informatique commis en bande organisée
Ce texte en préparation veut aussi autoriser le recours aux moyens de procédure exceptionnels à l’encontre du piratage informatique commis en bande organisée : surveillance étendue à tout le territoire national, infiltration, enquête sous pseudonyme, (mais pas de garde à vue pendant 96 heures.)
Pour Marc Robert, une telle extension s’impose là encore « aux motifs que de telles atteintes peuvent revêtir un degré de gravité particulièrement important dans certaines circonstances ». En outre, « la complexité des enquêtes à mener en ce domaine nécessite de pouvoir disposer de l’ensemble des moyens d’investigation existants ».