Les députés de la commission des lois ont rejeté cet après-midi l’amendement qui aurait contraint l’Assemblée nationale et le Sénat à se plier aux mêmes règles d’ouverture de leurs données que les administrations traditionnelles.
La proposition du député Christian Paul (PS) était à la fois simple et lourde de conséquences : considérer que les documents produits et reçus par les assemblées parlementaires sont des documents administratifs, dès lors communicables par principe au citoyen en vertu des dispositions de la loi CADA. L’Assemblée nationale et le Sénat auraient ainsi été tenus de fournir sur demande – voire de diffuser automatiquement en Open Data, dans certains cas prévus actuellement par le projet de loi Lemaire – leurs rapports, statistiques, délibérations, compte rendus, etc.
« Les assemblées parlementaires sont historiquement exclues des dispositifs d'ouverture des documents et données administratifs » expliquait le député socialiste dans son exposé des motifs. À ses yeux, « l'exigence citoyenne d'une transparence accrue de la vie politique et des institutions requiert aujourd'hui la définition de nouvelles obligations pour le Parlement ». En l’occurrence, de mettre sur un même pied d’égalité ministères, administrations, collectivités territoriales, Assemblée nationale et Sénat.
Une piste « très intéressante » pour Axelle Lemaire, pas pour les députés
L’amendement de Christian Paul a toutefois suscité d’assez longs débats. Le rapporteur Luc Belot (PS) a tout d’abord émis un avis défavorable, expliquant que le Palais Bourbon avait d’ores et déjà des pratiques « assez exemplaires » en matière d’Open Data. De nombreux jeux de données sont effectivement ouverts – mais uniquement depuis l’année dernière. « Je ne souhaite pas que ce soit dans le cadre de la loi que cette maison décide de ce qu'elle fait ou pas en termes d'Open Data » a surtout soutenu le parlementaire, prônant plutôt une modification du règlement de l’Assemblée nationale.

Axelle Lemaire est ensuite intervenue, laissant entendre qu’elle soutenait, au moins sur le principe, l’idée de Christian Paul. Il serait « anachronique » selon la secrétaire d’État au Numérique que « le Parlement ne suive pas le même chemin » que les autres administrations. Au nom de la séparation des pouvoirs, la locataire de Bercy a néanmoins donné un avis de sagesse sur cet amendement (ce qui revient à ne laisser aucune consigne ferme aux parlementaires).
La crainte d’une soumission des assemblées au contrôle d’une autorité administrative
Le député socialiste Jean-Yves Le Bouillonnec est toutefois monté au créneau pour expliquer les risques inhérents à une application des dispositions de la loi CADA aux assemblées parlementaires. Il serait d’après lui « extrêmement difficile d'ouvrir le champ d'un contrôle [des assemblées] par une autorité administrative indépendante ». La crainte ? Que la Commission d’accès aux documents administratifs (voire ensuite le juge administratif) puisse se prononcer sur une décision de refus de communication de document administratif émanant du Palais Bourbon.
Rejoignant Luc Belot, l’élu a évoqué la piste d’une modification du règlement de l'Assemblée nationale, pour « qu'on organise nous même les conditions dans lesquelles le citoyen vient contester tel refus qui lui est fait. Mais ce dispositif n'appartient et ne peut être organisé que par l'Assemblée, et selon son règlement intérieur » a-t-il insisté.
Même si cet amendement a finalement été rejeté, Christian Paul pourrait tenter une nouvelle « percée » la semaine prochaine, lors des débats en séance publique. Le frondeur a en effet invité ses collègues à travailler avec lui à une nouvelle rédaction « qui permette de fixer dans la loi un objectif identique au Parlement et aux autres collectivités publiques ». Une « affirmation de principe », qui aurait selon lui « une vertu pédagogique ».