Un amendement au projet de loi numérique porté par l'ensemble du groupe socialiste à l'Assemblée nationale veut intégrer un nouvel article au texte. Celui-ci permettrait au ministre chargé de la Jeunesse de délivrer des agréments pour des compétitions de sport électronique.
Fin septembre, le gouvernement avait lancé une consultation publique autour de ce qui n'était encore que l'avant-projet de la loi numérique portée par Axelle Lemaire. La proposition ayant obtenu le plus de votes favorables, plus de 4 000, visait à sécuriser juridiquement l'organisation de compétitions de jeux vidéo. Une suggestion fournie par le Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs, ou de manière plus large, par l'industrie du jeu vidéo.
Finalement, le gouvernement a opté pour la voie de l'ordonnance, afin de shunter l'ensemble de la procédure parlementaire.
Alors que l'examen du projet de loi numérique en commission des lois doit débuter le 13 janvier prochain, un nouvel amendement a été déposé au projet de loi Lemaire. Celui-ci prévoit de modifier cet article 42 (cela ne s'invente pas) afin d'encadrer directement dans la loi ces activités. L'économie du texte serait de contraindre les organisateurs de compétitions de sport électronique d'obtenir préalablement un agrément du ministère de la Jeunesse et des Sports.
Des compétitions adoubées par les autorités
Cet amendement, porté par l'ensemble du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, prévoit qu' « un agrément peut être délivré par le ministre chargé de la Jeunesse aux organisateurs de compétitions de sport électronique requérant la présence physique des joueurs, qui présentent des garanties visant à : assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des compétitions, protéger les mineurs, prévenir les activités frauduleuses ou criminelles et à prévenir les atteintes à la santé publique ».
Autrement dit, pour qu'une compétition de sport électronique « hors-ligne » puisse se dérouler, ses organisateurs devront montrer patte blanche auprès du ministre de la Jeunesse. L'objectif étant de s'assurer que ces tournois, où des récompenses sont souvent à la clé, se déroulent dans le respect de la loi et de l'ordre public, mais également avec une certaine équité pour les participants.
Une liste de jeux sous étroite surveillance
Le deuxième alinéa de l'article 42 prévoit quant à lui que c'est un arrêté du ministre chargé de la Jeunesse qui fixera la liste des jeux « pour lesquels les organisateurs de compétitions de sport électronique peuvent bénéficier de l’agrément prévu par le I du présent article ». Pas question semblerait-il donc de lancer un tournoi hors-ligne sur son propre jeu à la va-vite, les autorités auront désormais leur mot à dire, si le texte est adopté en l'état.
Plusieurs critères seront passés au crible pour déterminer quels titres seront sur cette liste ministérielle. « Ces logiciels de loisirs font prédominer, dans l’issue de la compétition, les combinaisons de l’intelligence et l’habilité des joueurs de sport électronique, en mettant à leur disposition des commandes et des interactions se traduisant sous formes d’images animées, sonorisées ou non, et visant à la recherche de la performance physique virtuelle ou intellectuelle » peut-on ainsi lire dans le texte. Celui-ci ne semble toutefois pas très restrictif et il semble possible d'en faire une interprétation assez large, les éditeurs ne devraient donc pas avoir grand mal à faire autoriser leurs titres, en avançant les bons arguments. Seulement, c'est évidemment le ministre qui aura le dernier mot dans la délivrance du précieux document final, préalable à la compétition.
Enfin, le législateur prévoit que l'arrêté du ministre fixe également l'âge minimal des joueurs pouvant prendre part à des compétitions sur tel ou tel titre. Une disposition dont on imagine qu'elle s'appuiera sur la classification PEGI des logiciels de jeux, dont l'utilisation est déjà généralisée en France.
Des tournois plus forcément gratuits
Dans l'amendement socialiste, il est surtout prévu que dans le cas des compétitions agréées par le ministre de la Jeunesse, il est possible de déroger aux articles L. 322-1 à L 322-2-1 du code de la sécurité intérieure, prohibant « les loteries de toute espèce ». Cette disposition permettrait de lever l'incertitude juridique existant sur ce secteur (voir notre actualité). Cela devrait en tout cas permettre aux organisateurs de demander s'ils le souhaitent une participation financière pour prendre part à un tournoi hors-ligne, ou à ses phases qualificatives en ligne, à condition « qu’aucun sacrifice financier de nature à accroître l’espérance de gain du joueur ou de son équipe n’est exigé par l’organisateur ».
Concrètement, il resterait donc interdit de vendre un avantage quelconque aux participants, de quelque nature que ce soit, à partir du moment où il augmente ses chances de remporter la compétition, ou de mieux se classer. Par contre, les organisateurs agréées pourraient faire payer un droit d'entrée pour leurs tournois.
Un autre amendement, porté en solo par le député socialiste Christian Assaf, pose quant à lui la question d'encadrer cette possibilité qu'aux seuls jeux vidéo « dans lesquels l’habileté et les combinaisons de l’intelligence prédominent sur le hasard pour l’obtention d’un gain », ce afin d'éviter l'émergence de tournois de jeux vidéo de poker, de roulette ou de blackjack, chasse gardée des casinos et des opérateurs agrées par l'ARJEL.